par Alexandre Corboz

Le blog SDF : « OM : pourquoi c’est si dur pour les Minots »

Entre l’OM et les « Minots » du centre de formation, l’histoire a toujours été compliquée.

Quelles en sont les raisons ? Quel avenir pour la formation en Phocée ? Eléments de réponse.

Ce n’est pas un scoop : la formation et l’Olympique de Marseille, ça fait deux. Sur le dernier classement de la DTN, les Phocéens s’affichaient au 23e rang (sur 36). L’un des pires pour un club de Ligue 1. Dans toute son histoire, le club n’a remporté qu’une fois la Coupe Gambardella. C’était en 1979. Il y a une éternité. Parfois vainqueur de titres nationaux en catégorie de jeunes et avec une réserve en CFA (11e de sa poule), l’OM a quand même du mal à trouver une finalité à son projet de sortir des Minots. C’est simple, depuis le départ d’André Ayew, le club phocéen ne dispose plus dans son onze-type d’aucun joueur formé localement. Exception faite de Romain Alessandrini… qui a quitté l’OM à 15 ans pour y revenir après son explosion à Rennes.

Alors que l’OL a aligné sur son dernier match à Saint-Etienne neuf joueurs formés au club (dont huit comme titulaires), le temps de jeu cumulé des « Minots » (Sané, Sparagna, Lopez, Boutobba, Ponsard-Clémente, Rabillard) cette saison peine à décoller : 836 minutes jouées en 31 matches toutes compétitions confondues… A peine 2,7% du temps de jeu des joueurs phocéens depuis le début de saison. Un bilan d’ailleurs largement à la solde de Stéphane Sparagna, lui qui a joué 710 minutes depuis le début de saison.

Anigo : « Si on en fait un très bon de temps en temps, c’est déjà très bien »

Pour beaucoup, le problème est avant tout politique. Ancien Minot devenu éducateur et directeur sportif et même entraîneur de l’OM jusqu’en 2013, José Anigo connaît bien les arcanes du club et il nous explique mieux que quiconque la philosophie locale : « Ici, ce n’est pas une culture de voir sept à huit joueurs formés localement. En revanche, ce que l’OM cherche à sortir, c’est un ou deux joueurs d’excellence comme André Ayew, Cédric Carrasso, Seydou Keita, Mathieu Flamini ou Samir Nasri. A l’OM, on n’a pas vocation à en sortir cinquante mais, quand on fait un très bon de temps en temps, c’est déjà très bien. »

Directeur du centre pendant quatre ans (2003-2007) à l’époque Pape Diouf, Christian Larièpe déplore justement ce manque de volonté de la direction de ne pas profiter du vivier de la région PACA, le deuxième plus productif de France derrière Paris et sa banlieue : « Au niveau de la formation comme chez les pros, ce club manque d’une politique à long terme et même à court terme. Ce n’est pas parce qu’on s’appelle l’Olympique de Marseille qu’on ne doit pas faire de formation. Même Madrid, Barcelone ou Manchester en font. » Directeur du centre entre 1995 et 2002, Georges Prost analyse la situation : « A Marseille, il n’y a pas cette culture de la formation qu’il y a à Lyon. Ils n’en font que quand ils n’ont pas le choix. Et puis il faut un entraîneur à la tête de l’équipe qui veuille promouvoir la formation. Le problème, c’est qu’à l’OM, les entraîneurs sont des gens de passage qui ont besoin d’avoir la réussite immédiate. Pour eux, mieux vaut recruter des joueurs confirmés que de lancer des jeunes.»

Prost : « On ne m’a pas laissé le temps de mettre en place le même maillage qu’à Lyon »

Au niveau du recrutement en local, l’OM est aussi à la traine. Une problématique que Georges Prost a bien connu lui qui était revenu au club durant quatre ans entre 2011 et 2015 pour s’occuper du recrutement : « Quand la direction m’a pris, je pensais que je pourrais apporter mon expérience. Je dirigeais le centre de l’OL jusqu’en 2010 (avant une expérience d’un an en tant qu’adjoint au Qatar, NDLR). Je voulais mettre en place un maillage similaire mais on ne m’a pas laissé le temps de le faire. Ça ne les intéressait pas. Ils ont négligé mes conseils », déplore cet illustre formateur pourtant passé par Monaco, Southampton ou encore Lyon avec beaucoup de succès.

« Les jeunes le savent quand ils choisissent l’AS Monaco, Nice ou Montpellier plutôt que l’OM : à Marseille, il n’y a aucun débouché. Certains comme Nasri sont sortis par miracle et parce qu’ils avaient le talent pour passer. Mais quand je vois qu’un garçon comme Benatia était là et que personne ne le regardait, ça m’interpelle », constate, de son côté, Christian Larièpe qui, depuis avril 2015 est conseiller sportif dans l’écurie de l’agent Christophe Hutteau. Un avis partagé par Georges Prost : « Pour l’OM, c’est difficile parce qu’à force de ne pas faire jouer les jeunes et de prendre quinze recrues extérieures par été, les jeunes du cru préfèrent prendre d’autres orientations. S’ils viennent à l’OL par exemple, c’est parce qu’ils sentent qu’on leur donnera une chance de jouer. » Au final, ces jeunes qui auraient dû choisir l’OM atterrissent à Montpellier, Nice, Monaco ou même Toulouse.

Larièpe : « Les supporters n’attendent que de voir des jeunes du cru défendre le maillot »

Souvent très bons en catégorie U17 ou U19 où ils arrivent à remporter des titres, les « Minots » ont régulièrement du mal à franchir le pas vers le professionnalisme. Même lorsqu’ils choisissent l’exil pour le faire. A se demander s’il n’y a pas un problème de mental et de psychologie pour des joueurs du cru. Pour nos consultants, la réponse est non. S’il reconnait une pression « naturelle » liée au fait que ce soit un grand club, José Anigo l’assure : ce n’est pas un frein.  « J’ai plus ressenti la pression quand je suis devenu dirigeant que quand on m’a donné ma chance en tant que joueur », nous glisse l’ancien directeur sportif.

« Ce ne sont pas les jeunes qui ont la pression mais la direction marseillaise qui pense que c’est incompatible avec les objectifs et risqué de lancer des jeunes », assène quant à lui l’agent Christophe Mongai. Pour Christian Larièpe, le public marseillais ne serait pas oppressant mais surtout demandeur : « Les supporters n’attendent que ça : voir des jeunes du cru défendre le maillot ». Georges Prost tient le même discours : « A Marseille, pour les Minots, c’est une pression positive. Quand tu es Marseillais et que tu joues au Vélodrome, il suffit de faire de bons débuts pour être tout de suite adopté. Le seul souci, c’est de les mettre dans de bonnes conditions et pas seulement pour jouer les bouche-trous quand l’équipe est fragilisée. Lyon sait bien le faire. Marseille le fait toujours par obligation. »

Mongai : « L’OM devrait tirer les bénéfices de son travail prochainement »

Alors, quel avenir pour la formation à la Marseillaise ? Christophe Mongai est optimiste : « La formation a été longtemps délaissée par les décideurs olympiens. C’est en train de changer. De changer dans la bonne direction. Je pense que la direction regarde de plus en plus ce qu’il se fait aux étages du dessous et qu’ils ambitionnent de lancer des jeunes. Et ce serait le meilleur message à envoyer aux jeunes talents de la région marseillaise pour qu’ils aient envie d’intégrer le centre de formation de l’OM. Thomas Fernandez et ses équipes font depuis quelques années du très bon travail et l’OM devrait en tirer les bénéfices prochainement », assure celui qui dirige le groupe USM et qui compte plusieurs jeunes éléments marseillais dans son portefeuille.

Ces jeunes, il espère les voir percer sur la Canebière : « Je peux vous garantir qu’au regard de leurs qualités et de leur professionnalisme, qu’ils seraient déjà apparu dans bien des équipes professionnelles françaises si ils portaient un autre maillot que celui de l’OM. Ces joueurs sont très attachés à l’OM et souhaitent y jouer. J’espère qu’on leur donnera leur chance et du temps de jeu ». Mais, pour espérer assister à une « draft interne », il faut que, du côté du big boss Vincent Labrune, on soit convaincu que le terreau local peut apporter plus que quelques seconds couteaux prêtés sans option par de grands clubs étrangers et ça, ce n’est pas gagné…

Alexandre CORBOZ

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Pour résumer

Entre l’OM et les « Minots » du centre de formation, l’histoire a toujours été compliquée. Quelles en sont les raisons ?

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