par julien.demets

Équipe de France, FC Nantes - EXCLU : le premier entraîneur de Payet se souvient

A 41 ans, Hosman Gangate est aujourd’hui conseiller technique régional à la Ligue de football réunionnaise.

Mais il y a une douzaine d’années, il entraîné le club de l’Excelsior Saint-Joseph. En 2003, il a vu débarquer un petit jeune pas comme les autres…

But! Nantes : Hosman, quand avez-vous entraîné Dimitri Payet pour la première fois ?Hosman GANGATE : C’était en 2003 et Dimitri revenait du Havre, où il était parti quatre ans plus tôt. Il avait 16 ans et jouait avec les U15. Mais je l’ai quand même pris avec moi, chez les seniors, pour les entraînements tous les mercredis. Ensuite, il a préparé la saison 2004 avec nous et après avoir passé les quatre premiers matches sur le banc, il est entré en jeu à la place de notre attaquant, blessé, et il a marqué ! Cette saison-là, il a d’ailleurs terminé avec 12 buts et autant de passes décisives (ndlr : une saison à la Réunion contient 26 matches) !

Vous pressentiez déjà un futur grand joueur ?Oui, on sentait qu’il avait un truc en plus. Dès le premier entraînement avec les seniors, je me souviens qu’il avait marqué un but de la tête alors qu’il n’avait que 16 ans ! Notre championnat est certes équivalent à la DH en métropole mais il est plus intense physiquement. Je pense qu’il est même devenu un homme en jouant rapidement avec les adultes. De plus, nous sommes sur une île et il y a rapidement une petite pression médiatique. Ça aussi lui a sans doute permis d’être vite confronté au monde des adultes.

Pourquoi est-il revenu à la Réunion après son passage au Havre ?En tant que Conseiller technique régional, je me suis battu pour qu’on dispose d’une structure ici afin que nos jeunes ne partent pas avant leurs 16 ans. A titre d’exemple, Guillaume Hoarau est parti à 19 ans…Or, à l’époque, Dimitri, lui, n’avait que 12 ans quand il est allé au Havre, c’est trop jeune ! La fracture avec sa famille était trop douloureuse. Quand il est reparti à Nantes, il avait 17 ans et avec le FC Nantes, on avait négocié deux ou trois allers-retours par an à la Réunion et autant pour ses parents pour qu’ils puissent venir le voir car il a vraiment besoin d’être entouré de sa famille pour réussir. C’est un affectif ! D’ailleurs, il a bien réussi là où il a su nouer une relation affective avec ses entraîneurs, comme avec Christophe Galtier à Saint-Etienne ou avec Rudi Garcia à Lille. Ça l’a rendu beaucoup plus mature.

A quel moment le lien avec le FC Nantes s’est-il fait ?Il y avait déjà un partenariat entre notre club, l’Excelsior de Saint-Joseph, et le FC Nantes, qui envoyait des jeunes disputer un tournoi sur l’île chaque année. En août 2004, lorsque Laurent Guyot (ndlr : alors directeur du centre de formation du FCN) est venu à la Réunion, je lui ai demandé d’aller voir notre match, sans lui parler de Payet. Au bout d’une demi-heure, il me demande : “C’est qui le numéro 20 ?”. Mon père (président du club) lui répond que c’est justement pour ça qu’on voulait qu’il vienne au match ! Du coup, Laurent Guyot est revenu avec Vincent Bracigliano (responsable du recrutement des jeunes au FCN) voir Payet, qui a terminé la saison avec nous jusqu’en décembre 2004 avant de partir pour Nantes en janvier 2005.

“Il a bien réussi là où il a su nouer une relation affective avec ses entraîneurs.”

Sa réussite actuelle vous étonne-t-elle ?En fait, il répète les mêmes gestes techniques que lorsqu’il était plus jeune, mais il a pris une autre dimension, physiquement et mentalement. Déjà, à l’OM, il avait été très bon aussi. Marcelo Biesla l’avait bien aidé à épurer son jeu, à faire les bons choix. Là, avec l’équipe de France, il est au même niveau qu’avec West Ham cette saison. En mars dernier, il m’avait dit qu’il ne voulait pas faire l’Euro mais qu’il voulait le gagner. Aujourd’hui, il mesure la chance qu’il a !

Peut-il assumer durablement son nouveau statut de héros chez les Bleus ?Du fait de sa maturité et de son âge, il n’est pas tétanisé par l’enjeu. Et tout cela arrive au bon moment, il est au sommet. Il a quand même ce côté collectif, généreux sur le terrain. Ce qui me surprend, c’est sa capacité à maîtriser ses émotions. Face à la Roumanie, avant ses larmes, il les a maîtrisées tout le match. C’est bien, ça ramène de l’humanité.

Avez-vous gardé des contacts avec lui ?Je le suivais partout jusqu’en 2007, à son départ pour Saint-Etienne. Après, on s’est un peu perdu de vu et on s’est retrouvé en janvier dernier à Londres.

“En mars dernier, il m’avait dit qu’il ne voulait pas faire l’Euro mais qu’il voulait le gagner.”

Quel lien entretient-il avec la Réunion ?Il ne rate jamais l’occasion de faire un petit coucou aux Réunionnais, notamment avec quelques mots de créole sur les réseaux sociaux. C’est sans arrogance et ça plaît beaucoup ici. En mars, on a organisé la première édition du tournoi U13 Dimitri Payet. Il nous a aidés financièrement à le mettre en place et a envoyé une petite vidéo pour les jeunes. Au moment où on se pose des questions sur les origines des joueurs, Dimitri, lui, n’est ni black, ni beur, ni blanc, il est profondément français. C’est un grand honneur pour lui de représenter son pays.

A quand la statue de Payet sur l’Ile ?(Rires) Si ça continue comme ça, ce n’est pas impossible !

Propos recueillis par Charles Guyard

Retrouvez cet entretien en intégralité dans le dernier numéro de But! Nantes, en kiosque ou sur notre boutique en ligne.

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Pour résumer

Il y a une douzaine d’années, Hosman Gangate a entraîné le club de l’Excelsior Saint-Joseph. En 2003, il a vu débarquer un petit jeune pas comme les autres.

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