L'instant OM : deux ou trois choses que je sais de Jacques-Henri Eyraud

“La scène se passe le lundi 29 août 2016. Un ancien collègue de But!, Ivan, m'envoie un texto pour me demander : “Tu as vu Jacques-Henri à côté de Frank McCourt à la mairie de Marseille ?”. Je regarde alors l'un des clichés de cette fameuse réunion au cours de laquelle Jean-Claude Gaudin a fait son numéro habituel et lui réponds : “Ah oui, c'est vrai qu'il lui ressemble !”. Ce n'était pas une blague : il me semblait totalement impossible que mon ancien patron devienne le président de mon club de cœur. Et pourtant… Une fois que sa nomination a été effective, je n'ai plus eu de doutes : “JHE” est the right man at the right place, pour utiliser une expression que ce chef d'entreprise imprégné de la culture anglo-saxonne doit affectionner.

 

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Je ne vais pas vous faire croire que Jacques-Henri Eyraud me connaît. A une époque, j'ai été son employé, je lui ai serré la main tous les jours, j'ai eu des réunions en tête à tête avec lui mais nous devions être plus de quarante dans la boîte et je suis d'une nature discrète. Mais si lui m'a oublié, j'ai gardé un souvenir fort de lui. Parce qu'il y a un réel décalage entre la première impression qu'on se fait de “JHE” et ce qu'il est réellement. A But!, nous avons appris à le connaître en 2003, quand Olivier Rey a vendu la société à Sporever. A l'époque, la société créée par Patrich Chêne et Jacques-Henri Eyraud avait déjà un site, s'apprêtait à lancer une chaîne de télévision en partenariat avec Orange et voulait aussi exister sur papier, histoire d'occuper toutes les sphères de l'information.

Lors des réunions mensuelles entre les employés et la direction, c'est Patrick Chêne qui parlait le plus. Ancien présentateur de télévision, il s'exprimait comme personne. A lui les longs monologues, à Jacques-Henry les informations concises mais fortes. C'est quelque chose qui me plaît chez lui et qui fait que, je pense, il réussira à l'OM : il ne tient pas à se mettre en avant. Il le fait quand les circonstances l'imposent (par exemple dimanche après le Clasico) mais sinon, il reste à sa place et laisse la lumière aux vrais acteurs du jeu, les joueurs et l'entraîneur. Dans un monde aussi porté sur l'ego que le football, je ne pense pas qu'un Bernard Tapie pourrait réussir aujourd'hui. Ses joueurs prendraient ombrage de le voir tout le temps en première ligne.

En affaires, c'est un tueur et il n'hésite pas à trancher dans le vif

Autre point positif : en affaires, c'est un tueur. J'ai négocié une fois avec lui mon passage de CDD en CDI. Sa stratégie est claire : il y a une grille salariale, des finances à maîtriser. Il compte sur toi, tu as sa confiance mais tu n'auras pas ce dont tu rêves. Le tout dit avec le ton calme et le regard franc qu'on lui connaît. Du coup, on ressort avec ce que lui avait prévu de donner mais sans la sensation de s'être fait avoir. Les supporters peuvent rager de ne pas le voir signer des chèques astronomiques. Mais ce n'est pas sa vision des choses. Lui a un plan sur des années, il sait que les investissements façon Qatar ne mènent à rien. Ça ressemble à ce qu'a fait Aulas à Lyon. A l'heure actuelle, vous pouvez trouver ça insuffisant. Mais dans dix ans, quand les Qataris ne seront plus là, le PSG ne jouera plus le titre, l'OM et l'OL si.

Et puis, il a une grande capacité à tirer des leçons de ses erreurs. Il l'a fait avec But! quand il était Sporever, il doit le faire en ce moment à Marseille. Ainsi, je ne crois pas qu'on le reverra faire un jour de l'humour avec un powerpoint après avoir conclu un mercato décevant. Il a dû comprendre que les supporters n'ont de l'humour que quand leur équipe gagne. Et qu'il vaut mieux éviter de jouer la montre jusqu'à la dernière minute en période de mercato.

Enfin, dernier point : il n'hésite pas à trancher. A But!, on est bien placés pour le savoir. A peine étions-nous intégrés au giron Sporever que notre rédacteur en chef faisait tout ce qu'il pouvait pour pourrir l'ambiance car il ne voulait pas avoir de supérieurs hiérarchiques. Jacques-Henri l'a rapidement compris. Et comme pour lui, rien n'est au-dessus de l'intérêt de sa société (ou de son club), nous avons été revendus à pertes deux ans plus tard. Sans regret. L'OM, qui a beaucoup souffert du copinage des années Louis-Dreyfus, ne tombera pas dans les mêmes travers avec Eyraud. Ou alors, c'est qu'il aura beaucoup changé. Mais vu comme il mène sa barque depuis tant d'années, on est en droit d'imager qu'il va continuer à appliquer une méthode qui a fait ses preuves.”

R.N.