André Laurent
André LaurentCredit Photo - Icon Sport
par Laurent HESS
CONFIDENCES

ASSE – Exclu BUT : la caisse noire, le retour en D1... André Laurent revient sur ses 10 années de présidence

Chez lui, sur les hauteurs de L'Etrat, André Laurent (82 ans) est revenu sur ses dix années à la présidence de l'ASSE (de 1983 à 1993). Il s'est aussi confié sur l'actualité de son club de cœur. Premier extrait de son interview accordée à But ! Saint-Etienne.

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But ! : André, vous écrivez actuellement vos mémoires...

André LAURENT : Tout à fait. Des amis me l'avaient suggéré et je suis à un âge où on commence à se retourner sur sa vie. J'ai commencé à écrire mes mémoires lors du confinement. Elles s'adressent à la jeune génération, pour lui dire que le monde est un lieu où il y a de belles choses à faire quand on se donne à fond et quand on est authentique. C'est également adressé à mes petits-enfants. On verra si l'on édite ou pas mais le titre est : « Grand-père, raconte nous l'histoire de votre vie ».
 

Quelle a été la place de l'ASSE dans votre parcours ?

C'était une aventure de dix ans, passionnante, inoubliable. Rien ne me destinait à devenir président. J'étais un enfant de la Loire, de Firminy. J'avais construit mon entreprise en partant de rien. J'ai démarré au Chambon-Feugerolles, dans un établissement où les fenêtres étaient cassées, avant de construire une usine de 10 000 m2 à La Ricamarie. Il m'a fallu dix ans. Avec les ouvriers, les cadres, les techniciens, on avait créé une ambiance de travail, de partage. Quand François Dubanchet, le Maire de Saint-Etienne, est venu me chercher en 1983 pour me proposer la présidence de l'ASSE, j'ai été le premier surpris.

Comment les choses se sont-elles passées ?

Je suis arrivé au cœur de l'affaire de la caisse noire. Dubanchet m'avait invité à déjeuner, dans un restaurant. Il m'avait demandé ce que je pensais de la situation du club. Roger Rocher avait été condamné, c'était la chienlit ! Je lui avait répondu que ce n'était pas bon pour l'image du club, de la ville. Et là, il m'avait dit : « Je cherche un homme nouveau, jeune, dynamique, qui a réussi. Et cet homme, c'est vous. C'est votre devoir ! » Dubanchet avait le sens de la flatterie, c'était son arme fatale !

Vous vous doutiez de ce qu'il allait vous proposer ?

Deux choses me le laissaient penser. Avec mes copains entrepreneurs, nous avions assisté à une assemblée où les Rocheristes et les pros-Buffard s'étaient engueulés. Nous n'étions pas dans un clan. Nous étions là en public, en supporters des Verts. Et mes copains m'avaient poussé à prendre le micro. J'avais donné mon point de vue et l'assemblée m'avait applaudi. A partir de ce moment, on m'avait un peu dépeint comme le leader d'une 3e force qui devenait indispensable. Et huit jours après, en sortant d'un rendez-vous à la banque, place de l'Hôtel de Ville, j'avais été interviewé par FR3, alors que je me rendais au Glasgow pour boire un café. Une équipe de la chaîne était en reportage et j'avais accepté de donner à nouveau mon point de vue. Après ça, j'étais devenu visible pour tout le monde. Il fallait une nouvelle voix, une nouvelle tête, pour incarner l'avenir et oublier le passé.

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« Quand je suis arrivé, il n'y avait plus d'entraîneur, plus de joueurs pros hormis Castaneda et Zanon, plus de sponsors »

Vous avez donc accepté...

J'ai accepté. Je savais la tâche lourde, je me doutais que ça allait me prendre beaucoup de temps et d'énergie, que je verrai moins ma famille. Mais j'avais envie de tenter le coup. J'ai dit oui. Quatre jours après on a reçu une lettre avec trois autres industriels, Jean Berthet, Patrick David, et Louis Ouillon. Et le Conseil d'administration m'a élu président. C'était très tendu entre les Rocheristes et l'opposition. Il n'y avait que des hommes d'affaires, qui avaient pignon sur rue. Mais c'était tellement passionnel... Devant ce spectacle déplorable, l'avocat Camille Vey avait pris la parole pour dire qu'il fallait une équipe nouvelle. Le CA avait débuté à 17h. A 20h, j'étais président. A 44 ans.

Quelles ont été les plus belles années ?

Les premières. Pourtant, c'étaient les plus dures. Pendant 30 ans, le public et la France entière avaient été admirateurs inconditionnels de Saint-Etienne. On était les champions. On raflait les titres, les coupes, on était allés en finale de la Coupe d'Europe. On pensait l'ASSE indestructible, que rien ne pourrait l'ébranler, que ses racines étaient solides. Mais quand je suis arrivé, il n'y avait plus d'entraîneur, plus de joueurs pros hormis Castaneda et Zanon, plus de sponsors. C'était totalement vide. On nous avait même retiré le logo, la panthère, car Puma s'en allait et nous avait obligés à faire un autre logo. On avait dû dessiner le logo qui est toujours celui du club aujourd'hui. On est descendus en D2, avec Jean Djorkaeff qui était parti après un 7-0 à Bordeaux et qu'on avait remplacé par Robert Philippe. A cette période là, mon quotidien, c'était de visiter tous les commerçants, toutes les entreprises de Saint-Etienne, pour les inciter à venir avec nous. Il y avait tellement peu d'argent que j'ai dû boucher le trou de ma poche pour que les salaires puissent être versés. Il n'y avait plus rien dans les caisses.

Vous êtes allé chercher Henryk Kasperczak...

Oui. Grâce à Carlo Molinari. Au départ, j'avais pensé à Gérard Houllier. Il devait venir mais il lui restait un match avec Lens et il l'a gagné, ce qui a permis aux Lensois d'être européens. Du coup il a choisi de rester là-bas. Quand Molinari m'a conseillé Kasperczak, qu'il avait eu comme joueur à Metz, j'ai dit OK. C'est l'une des meilleures décisions que j'ai pu prendre à l'ASSE. Il a fait du super boulot. On a tout misé sur les jeunes, avec Primard, Bellus, Ribar, Daniel, Chillet, Ferri, les frères Clavelloux. Au début, c'était dur. On était 17e de D2 en octobre. On n'avait pas de sponsor maillot mais je suis allé à Roanne et j'ai convaincu Cake Rocher de s'engager. Pour 3 Millions de Francs alors qu'on me conseillait d'accepter des propositions pour 200 ou 300 000 Francs. Derrière on a enchaîné 25 matches sans défaite mais on n'a pas réussi à monter, en perdant en barrages. Il a fallu tout recommencer et on y est parvenus un an après. Sur le terrain, on avait une belle équipe, et dans les bureaux aussi, avec que des Stéphanois. De vrais guerriers, des centurions. On était là par devoir, pour sauver l'emblème de notre ville.

 

PS : la suite de l'entretien avec André Laurent est à retrouver demain à 15h sur notre site

 

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Pour résumer

Le président Laurent remonte le temps et évoque son passage à l'ASSE

Laurent HESS
Rédacteur
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