ASSE - Exclu BUT! Patrick Guillou :
par Benjamin Danet
ENTRETIEN

ASSE - Exclu BUT! Patrick Guillou : "On a une direction parano qui ne supporte pas les critiques" (2/2)

Ancien défenseur de l’ASSE, et désormais consultant pour BeIN Sports, diffuseur de la Ligue 2 et des matches des Verts, Patrick Guillou porte un regard éclairé sur le parcours d’un club qui lui est si cher. Entretien sans concession.

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Quelle a été la première erreur du trio Soucasse-Perrin-Rumsten selon vous ?
 
P.G. C’est évident.
 
Pas pour nous…
 
P.G. C’est d’avoir choisi Pascal Dupraz, bien entendu ! Je vais vous faire une confidence. Lorsqu’il a été choisi, on m’a demandé de lui laisser le temps de s’installer et de le soutenir. De ne pas être trop «critique » par amour du club. En retour, j’avais prévenu : si l’égo de Pascal Dupraz dépasserait les intérêts   de l’ASSE, je le ferai comprendre haut et fort ! Et que s’est-il passé ? Le Haut Savoyard a retrouvé son naturel. Tout le monde connaît la suite mais sans avoir vu le documentaire de la « non-remontada »
 
Il a pourtant eu des résultats à son arrivée, et avait même laissé entrevoir le maintien la saison dernière…
 
P.G. Désolé, mais ce n’était tout de même pas compliqué de se rendre compte que c’était une erreur. Surtout après la fin de mission à Caen et à Toulouse. Il est capable de réussir des missions à très court terme rarement dans le long terme !  Sauf à Evian Thonon Gaillard. Mais là aussi, l’histoire d’amour s’est mal terminée. Le discours de Dupraz, c’est quoi ? Il joue sur les émotions, sur la motivation et l’aspect psychologique. Après quelques semaines le discours s’effoufle. Le manque de plan B, surtout tactique, est alors apparu au grand jour. Quand la consistance manque, les joueurs s’en rendent compte et tout s’écroule ! c’est pour ces raisons que j’en veux à Jeff. Lui, il savait. Il avait bossé avec lui à Toulouse…
 
Et Laurent Batlles, c’était une mauvaise idée de le faire venir sur le banc de touche ?


P.G. Au départ non. J’avais commenté des matches à Troyes. Convaincu par ses choix, son jeu et son football léché. En plus, Laurent connaissait l’Asse en tant que joueur, puis en tant qu’entraîneur. Mais une fois encore, ce n’est pas la même chose d’être joueur ou entraîneur d’une équipe de jeunes que d’être à la tête de l’équipe première ! Surtout à Saint Etienne. D’autres, avant lui, dans un passé récent, s’y sont cassés les dents. Aujourd’hui, il doit prendre des tas de décisions quotidiennes. C’est plus exigeant. Je constate, de surcroît, qu’il n’y a pas d’expérience autour de lui.
 
A quel niveau ?
 
P.G. Et bien regardez la gestion de fin du match contre Sochaux. Tout le monde a constaté que certains changements n’avaient pas été très judicieux J’a le droit de le dire, de le penser, d’émettre des critiques et de l’écrire. Laurent Batlles s’en est d’ailleurs expliqué en conférence de presse. Mais à l’instant T, lorsqu’il est sur le banc. Qu’il se retourne, y a-t-il quelqu’un capable de lui dire : Lolo, tu te trompes. Attendons le temps additionnel pour casser deux fois le rythme. Non, il n’a personne car dans son staff. Aucun membre avec de la bouteille pour l’aider.
 
Faut-il le virer ?
 
P.G. Là, vous êtes avec cette question dans le simple constat. Et encore une fois, j’essaie de me poser les bonnes questions. Surtout sur la responsabilité collective. Plutôt que d’être à charge contre lui, l’environnement lui offre t’il de la sérénité ?  Individuellement, les joueurs sous ses ordres ont progressé depuis six mois ? Collectivement, le groupe a-t-il progressé ? La qualité de jeu est -elle suffisante ? Les principes de jeu sont ils clairement définis ? Le travail d’association de joueurs est-il bon ? Les automatismes sont ils trouvés au bout de 7 mois ? Les dirigeants sont convaincus. C’est la raison pour laquelle, ils ne l’ont pas écarté. Là, je vous parle ni de logique financière ni bien sûr que par effet domino que s’il était écarté d’autres par conviction seraient obligés de partir également. Je vous parle uniquement de logique sportive.
 

"Je suis désolé, mais lorsqu’on regarde les matches des Verts, à l’exception de la possession qui ne débouche pas sur grand-chose, le contenu n’est pas bon. Il devrait y avoir plus d’auto-critique dans ce groupe, beaucoup plus. Que les joueurs se responsabilisent plus et qu’ils imprègnent bien qu’ils sont à l’ASSE."
 
 

A écouter certains joueurs, Batlles aurait leur soutien ?
 
P.G. Les joueurs montent médiatiquement au créneau pour lui. La preuve par l’exemple c’est quand même plus sympa quand même. Ils doivent se remettre en question également.Suis-je au niveau qui était le mien auparavant ? Fais-je ce qu’il faut pour sortir le club de cette impasse ? Est-ce que je fournis assez d’efforts à l’entraînement et en match ? Je suis désolé, mais lorsqu’on regarde les matches des Verts, à l’exception de la possession qui ne débouche pas sur grand-chose, le contenu n’est pas bon. Il devrait y avoir plus d’auto-critique dans ce groupe, beaucoup plus. Que les joueurs se responsabilisent plus et qu’ils imprègnent bien qu’ils sont à l’ASSE.
 
On imagine tout de même que c’est le cas et que les joueurs ont conscience du malaise ?
 
P.G. Je n’en sais rien. Ce que je sais en revanche, c’est qu’après les deux victoires contre Laval et Niort, il y en avait certains au sein du club qui étaient convaincus qu’une série allait démarrer et que l’ASSE allait finir dans les 5 premiers du championnat ! Mais qui va dire, à un moment : réveillez-vous, on joue chaque match pour la survie de ce club ? Qui le dit, qui le clame haut et fort ? Qui tient un discours réaliste, lucide ? Personne encore une fois.
 
Dans nos colonnes, il n’est pourtant pas rare que certains anciens de la belle époque lâchent de cruelles vérités…
 
P.G. Oui et à chaque fois, c’est mal vu ! On a aujourd’hui une direction parano qui ne supporte pas les critiques. Ils ont construit autour d’eux une forteresse et une tour d’ivoire. Les dirigeants ont peur de leurs ombres. Ils feraient bien, tous, de les écouter ces critiques, plutôt que de s’enfermer dans des pseudos certitudes. C’est constructif parfois. L’ASSE ne représente aujourd’hui plus grand-chose à l’échelle européenne. Normal, le club est 18ème de Ligue 2. C’est un club avec un glorieux passé et un palmarès grâce à ses glorieux anciens. Ceux qui ont vraiment écrit la légende du club et ses lettres de noblesse. Ceux du rectangle vert.
 
A vous écouter, on s’inquiète forcément pour la suite et notamment sur le maintien ?
 
P.G. Mais moi, je ne vous mens pas : je suis très, très inquiet. J’ai surtout appris une chose dans ma vie de joueur professionnel puis de consultant : quand tu ne respectes pas le foot, le foot ne te respecte pas.
 
Si demain, on vous demandait de revenir au club, quels leviers utiliseriez-vous ? Quelles sont les deux premières mesures que vous mettriez en place ?
 
P.G. La première chose que je fais, c’est de garder en place les personnes compétentes. Celles qui aiment le profondément le club et la logique sportive. Éviter les copinages et les relations d’intérêts.
 
Et ensuite ?
 
P.G. Je retisse une relation de confiance avec les parties prenantes du club. Les supporters, les institutions et les sponsors. Identifier les priorités du recrutement et construire une épine dorsale costaude. Mettre en place une vraie cellule de recrutement. Certes cela à un coût mais il devrait permettre enfin de moins se planter. Désolé, ce maillot Vert est lourd mais tellement léger à porter. Il faut que le joueur corresponde à l’essence même du club, à ses valeurs, à ce qu’il représente et véhicule. Sainté, c’est populaire, travailleur et solidaire. Peut-être que je tiens un discours de vieux réactionnaire, mais je sais aussi comment l’ASSE est remontée en D1 lorsque j’y étais. Chacun allait au combat pour son partenaire. Et ça, aujourd’hui, je suis très loin de le retrouver sur le terrain.
 
Un mot, tout de même, sur les Ultras, que ce soit les Magic Fans ou les Green Angels. Avez-vous compris leur boycott, puis leur retour en tribunes contre Sochaux ?
 
P.G. Plutôt que de longs discours, je vais vous dire une chose. A Bastia, ou j’étais, moi je suis rentré chez moi le lendemain matin. Les joueurs le soir-même. Les supporters et je ne parle pas que des Ultras, ils ont pris trois jours de congés pour effectuer le déplacement. Ça, c’est du concret !!! Je sais, on va me rétorquer qu’on ne peut pas cautionner leurs actions après le match de barrage contre Auxerre. Mais qui a demandé de cautionner quoi que ce soit ? Je condamne fermement ces actions et images horribles. Qui ne grandissent pas l’image de l’Asse. En parallèle leur faire porter la responsabilité de la misère sportive est une hérésie. Pendant que tu les pointes du doigt tes supporters, tu évites de parler de l’essentiel. La faillite institutionnelle. Moi, il faudra un jour m’expliquer pourquoi il n’y a plus de communication aujourd’hui entre la direction et les supporters ? Comment on en a pu arriver là ? Comment on peut se passer d’une telle force vive ? Au quotidien la direction ferait bien de se le rappeler que l’amour de Saint Etienne ne perdure qu’à travers son glorieux passé et de ses inconditionnels qui se transmettent la passion verte de mère en fille et de père en fils.

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Pour résumer

Ancien défenseur de l’ASSE, et désormais consultant pour BeIN Sports, diffuseur de la Ligue 2 et des matches des Verts, Patrick Guillou porte un regard éclairé sur le parcours d’un club qui lui est si cher. Entretien sans concession.

Benjamin Danet
Rédacteur
Benjamin Danet

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