ASSE - EXCLU BUT! Luc Dayan : « La vente des Verts ressemble à un serpent de mer »
par Benjamin Danet
ENTRETIEN

ASSE - EXCLU BUT! Luc Dayan : « La vente des Verts ressemble à un serpent de mer »

Ancien président du LOSC, du RC Lens et du FC Nantes, spécialiste bien connu et réputé de restructurations de clubs, Luc Dayan n''est pas un inconnu pour le Peuple Vert. En 2003-2004, c'est lui qui avait sauvé le club à la demande de la famille Bompard, en trouvant 3 nouveaux actionnaires dont Bernard Caïazzo. Alors que le club n'est (toujours) pas vendu, Luc Dayan apporte un éclairage instructif.

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Aux yeux des supporters des Verts, qui souhaitent dans leur immense majorité le départ des deux actionnaires, Bernard Caïazzo et Roland Romeyer, le club paraît aujourd'hui invendable. Comme si ce dossier n'était même plus "finalisable"....

Luc Dayan : (Il coupe) Non, tout est finalisable car tout est vendable. Et l'ASSE ne fait pas exception. Il n'y a aucune raison objective pour que la propriété de la SASP ne change de propriétaire. Je dis bien aucune.

Pourtant 22% du club, à savoir les parts d'un certain Adao Caravalho, ont été confisqués par un organisme d'Etat, l'AGRASC. Et qu'il n'est pas simple de racheter un club lorsque vous ne le détenez pas dans son intégralité.

L.D. Mais ce n'est en rien un frein. Oui, certaines parts ont été confisquées. 22% ce n'est pas rien, mais ça n'empêche en rien celui qui rachète d'avoir le contrôle avec le pourcentage restant. 22% ne donne pas de minorité de blocage. Donc même cette histoire des parts d'Adao Carvalho ne constitue pas un obstacle. Ce qui pourrait l'être, c'est un éventuel droit de préemption attaché à ces mêmes parts avant qu'elles n'aient été confisquées. Or, de l'extérieur, car j'insiste là-dessus je ne connais pas le dossier, ça ne semble pas être le cas.

Si tout est vendable, comme vous l'affirmez, et que les parts confisquées ne constituent pas un réel problème, pourquoi autant d'échecs dans cette vente depuis des lustres. Pourquoi les candidats malheureux, Peak6, le Prince Ravichak, Olivier Markarian, David Blitzer ou encore le fonds Terrapin n'expliquent pas les vraies raisons du problème ?

L.D. Ca, c'est autre chose. Lorsqu'on s'attaque à un dossier de rachat, les candidats signent un accord de confidentialité. Et s’ils parlent de ce qu’ils ont vu, ça peut leur coûter très cher. 

"Si ce communiqué, au fond, n'était pas un leurre. On calme peut-être les supporters avec ce genre de communiqué, au point qu’ils en oublient l'essentiel..."

Mais pourquoi les deux actionnaires ont-ils pondu un communiqué dans les minutes qui ont suivi la relégation en Ligue 2 en expliquant qu'ils allaient quitter le club ? 

L.D. Demandez-leur !

Ils ne donnent aucune explication !

L.D. Alors demandez-vous à quoi ce communiqué a servi ? S’il n'a pas finalement permis de digérer la colère et de tenter de passer à autre chose. Si ce communiqué, au fond, n'était pas un leurre. On calme peut-être les supporters avec ce genre de communiqué, au point qu’ils en oublient l'essentiel...

Qu'est-ce qui pourrait permettre à ces mêmes supporters de croire à un départ des deux actionnaires dans les prochaines semaines ? Le club, aujourd'hui en L2, est forcément moins attractif, non ?

L.D. Il y a trop de paramètres pour vous donner une réponse simple. Tout d'abord, si il y a eu échecs avec de potentiels acquéreurs, cela peut provenir du prix demandé par Caïazzo et Romeyer pour leurs actions. Ensuite, et c'est une supposition car je ne connais pas le dossier, cela peut provenir de qu'ont découvert les repreneurs intéressés.

C'est à dire ?

L.D. Au début du processus de vente, lorsque la banque d'affaires vous présente un club à racheter, on a souvent l’impression que la mariée est quasi parfaite. Mais une fois que vous avez montré à la banque d'affaires que vous êtes un candidat crédible, vous avez accès ce qu'on appelle la Data Room. Et là, vous faites faire un audit complet avec la possibilité de trouver une vraie différence entre ce qu'on vous a dit au départ et la réalité des faits. Du coup, le potentiel acquéreur peut très bien décider de reformuler une offre, moins importante, que les vendeurs n'acceptent pas. Je ne connais pas le dossier de l'ASSE, je le répète, mais c'est peut-être ce qu'il s'est produit.

L'ASSE en Ligue 2, ça rend la vente encore plus compliquée, non ?

L.D. C'est très compliqué de vendre lorsqu'un club descend, oui. En termes de budgets, de masse salariale, de droits TV, tout est à revoir à la baisse avec des charges élevées car le club est configuré Ligue 1. Voilà pourquoi, je pense que le communiqué de Caïazzo et Romeyer publié juste après la descente était probablement un leurre. Mais un club en Ligue 2 avec un bon travail de restructuration effectué au préalable peut très bien être performant quelques mois plus tard. Regardez le boulot remarquable effectué au RC Lens par Joseph Oughourlian et Arnaud Pouille.

Mais quelle peut être la véritable valeur du club aujourd'hui ?

L.D. En termes d'histoire, de notoriété et de soutien populaire, elle est considérable. Franchement. Un repreneur se ferait vraiment plaisir avec l'ASSE, car la valeur de ce club est réelle. Après, son prix, c’est autre chose ! Les gens mélangent souvent les deux concepts !

"Si jamais je conseillais un potentiel repreneur de l'ASSE, je lui dirais d’attendre le résultat de l'appel d'offres des droits télé couvrant la période 2024-2028."

Dans le petit monde du football, qu'est ce qu'inspire le feuilleton sans fin de la vente de l'ASSE ?

L.D. Beaucoup considèrent que cette vente est un serpent de mer. Avec deux actionnaires qui prétendent vouloir vendre, mais qui ne le font pas. Du coup, on en arrive à se demander si ils veulent vraiment partir...

Pensez-vous tout de même qu'une vente puisse finaliser dans les prochains mois ?

L.D. Si jamais je conseillais un potentiel repreneur de l'ASSE, je lui dirais d’attendre le résultat de l'appel d'offres des droits télé couvrant la période 2024-2028. Il sera lancé à l'automne prochain, avec de grosses sommes potentielles, qui différent en fonction que vous soyez en Ligue 1 ou en Ligue 2, bien entendu.

Tant que les Verts sont en Ligue 2, il ne faut donc rien espérer ?

L.D. Pas nécessairement. Comme je vous ai dit, si le boulot est bien fait, comme à Lens, ça peut attirer un repreneur. Mais ce qui est certain, c'est qu'un club qui remonte de L2 en L1 a beaucoup plus d'atouts pour être vendu. C'est même le meilleur moment, en raison de tout ce qui touche économiquement la vie d'un club avec le sponsoring, les droits télé, la billetterie, etc... Si la saison prochaine, les Verts, sur le terrain, parviennent à remonter en Ligue 1, le dossier de la vente pourrait s'accélérer. A condition que les deux actionnaires souhaitent réellement vendre. On en revient toujours au même point de départ...

Recueilli par B.D.

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Pour résumer

Ancien président du LOSC, du RC Lens et du FC Nantes, spécialiste bien connu et réputé de restructurations de clubs, Luc Dayan n''est pas un inconnu pour le Peuple Vert. En 2003-2004, c'est lui qui avait sauvé le Club à la demande de la famille Bompard, en trouvant 3 nouveaux actionnaires dont Bernard Caïazzo. Alors que le club n'est (toujours) pas vendu, Luc Dayan apporte un éclairage instructif.

Benjamin Danet
Rédacteur
Benjamin Danet

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