par julien.perez

RC Lens - EXCLU Elodie Degiovanni (sous-préfète de Lens) : « Qu’est-ce qu’on appelle un Ultra ? »

Si le climat semble s’être apaisé entre les dirigeants lensois et une partie des ultras, en l’occurrence les Red Tigers, les pouvoirs publics conservent un œil attentif sur la situation.

La sous-préfète de Lens, Elodie Degiovanni, est très claire sur le sujet. Entretien.

Comprenez-vous les revendications de certains supporters qui souhaiteraient être plus associés aux décisions, par exemple concernant la gestion de leur club ou les aménagements du stade Bollaert-Delelis, en particulier de la tribune Marek ? 

Jusqu’à nouvel ordre, les statuts du club ne permettent pas la cogestion et la coproduction en termes d’organisation de ses activités. Que l’on soit d’accord ou pas avec la ligne d’un club, c’est le droit le plus strict de chacun. Qu’on exprime son désaccord par des banderoles plus ou moins amusantes, plus ou moins agressives ou plus ou moins élégantes, admettons. Mais que l’on aille jusqu’à tout casser au prétexte que c’est en criant plus fort que l’on aura raison, non ! Ce n’est pas digne de l’histoire de la ville, du club et des 99% de supporters qui fonctionnent très bien et qui font qu’on rêve d’être à Bollaert quand on n’y est pas. Ce qui a été mon cas pendant cinquante ans. Or aujourd’hui, on n’a plus très envie de mettre un pied en tribune Marek.

Avez-vous senti monter en puissance cette contestation au fil de la saison ?  

La situation n’est pas fameuse depuis le retour du RC Lens à Bollaert. Ca s’est aggravé avec des comportements de plus en plus inadmissibles à l’extérieur. Ce qui est encore plus fâcheux. On a beaucoup parlé du match au Havre (ndlr : 0-2, 23e journée). Et tout ce qui a été dit et écrit n’était pas toujours exact. J’ai des amis qui y étaient. Et qui ont été - et pas qu’un peu - absolument sidérés par ce qui s’est passé. En plus, ça s’était déjà passé à Créteil (1-1, 21e j.). Que je connais bien aussi. C’est un petit club modeste. Or il y a eu pratiquement 200 sièges cassés. Et pourtant, Créteil avait tout fait pour bien accueillir les Lensois, faisant même venir une friterie. Donc vous voyez, il y a une notoriété du RC Lens et de ses supporters qui amène des clubs partenaires et amis à se mettre en quatre… On a vu le résultat ! Et je ne vous parle pas des individualités qui rentrent des fumigènes ou qui se baladent avec des couteaux.

Comment réagissez-vous face à ce genre d’individus aux comportements dangereux ?  

Ça, on les traite. Madame la préfète du Pas-de-Calais est extrêmement attentive à ces sujets-là. Les procédures d’interdiction de stade seront menées à leur terme, chaque fois que l’on en aura la possibilité légale. Et sans aucun état d’âme. C’est le message fort que l’Etat se doit de faire passer. C’est dans l’intérêt de tous ceux qui se comportent bien. Et le cas échéant, c’est aussi dans l’intérêt des individus en question. En tout état de cause, c’est comme ça. Et ce n’est pas négociable.

Comment est-il possible d’endiguer ce genre de débordements ?

Je vous ai parlé du niveau répressif. Mais cela signifie que nous avons besoin de “chaîner“ tout le dispositif de traitement de certains supporters. J’en ai d’ailleurs parlé à plusieurs reprises avec le président Martel et son équipe. Cela signifie que chacun a le devoir de faire son boulot dans tout le chaînage des outils dont on dispose, c’est-à-dire les relations quotidiennes avec les supporters et leurs associations ou clubs, la gestion des abonnements bien sûr, les messages à faire passer et le dialogue avec les instances du football national, qui d’ailleurs sont très vigilantes sur ces sujets. On a donc tout un travail collectif, articulé et coordonné, pour tirer tous dans le même sens et revenir à une situation normale avec de la fête, de la décontraction et de la chaleur. Mais pas au-delà !

L’association “Red Tigers” semble être particulièrement dans la ligne de mire de la direction du club et des services de l’état, n’est-ce pas ?

Par décision du club, le match contre Brest (ndlr : 2-0, 24e j.) s’est déroulé sans les Red Tigers. Il se trouve que ça s’est fort bien passé, que le spectacle était sur le terrain. Et au demeurant, c’était un beau match. L’ambiance était malgré tout là. On a tous vibré de la même façon aux chants et au “claping” final. Le match face à Valenciennes (0-1, 26e j.) s’est également passé dans des conditions tout à fait convenables. Là, c’était la décision de certains groupes de supporters de ne pas être là. Et en l’occurrence, ça s’est bien passé dans le stade et en ville. Personne n’a regretté de façon explicite l’atmosphère qui commençait à être franchement lourde lors des matches précédents. Donc, finalement, la réalité donne réponse à tous et donne aussi raison aux 99% de gens qui fonctionnent convenablement, ce qui amène aussi les autres à s’interroger.

Depuis cette période, le climat semble s’être largement détendu. Où en sommes-nous aujourd’hui ?

J’ai plutôt bon espoir que la raison soit en train de l’emporter. Parce qu’il n’y a pas d’effets d’entraînement ou de solidarité significatifs autour des comportements les plus extrêmes. En revanche, les dossiers judiciaires sont en cours. Les conséquences administratives sont en train d’être tirées. Donc, pour le moment, tout va bien. Mais on verra ce qui se passera au cours des prochains matches. On reste vigilant. Mais je le répète : je préfère mettre mes forces de police ailleurs qu’au stade. Quand on a l’esprit sportif, ce n’est jamais agréable de voir se multiplier la densité de personnel de police autour et à l’intérieur des enceintes sportives.

Comment avez-vous jugé l’attitude des instances nationales du football dans le dossier lensois ?

Elles ont bien pris conscience de l’ampleur du problème et ont eu une démarche à la fois ferme dans l’esprit et aidante dans la pratique. Tout ce qui s’est passé autour de la fermeture et ensuite de la décision d’accepter la réouverture de la tribune Marek sous certaines conditions a été porteur. Ça a donné les bons messages aux bonnes personnes. Maintenant, il faut tenir sur la durée. Et c’est dans l’intérêt de tous. Si, pour le coup, on pouvait sortir de la passion et être davantage dans la raison, chacun pourrait reprendre sa place. Et on ferait des économies humaines et de moyens. On pourrait donc se concentrer sur le boulot pour lequel on est là.

Aujourd’hui, certains n’hésitent pas à parler d’un acharnement des pouvoirs publics contre le mouvement ultra. Qu’en est-il ?  

Qu’est-ce qu’on appelle ultra ? Est-ce qu’être ultra, c’est être supporter, c’est-à-dire ultra passionné par le soutien qu’on apporte à son équipe ? Auquel cas, il n’y a pas de raison de faire la chasse aux ultras. Ou est-ce qu’ultra, c’est privatiser un espace public en fonction d’une vision univoque du sujet ? En disant par exemple : “Je ne suis pas d’accord sur la façon dont le stade a été équipé” ou “Je ne suis pas d’accord de la façon sur le club est géré” ou encore “Je proteste contre les résultats contestables du club et donc j’ai le droit de tout casser parce que je m’autoproclame maître du monde”. Si c’est ça être ultra, ça s’appelle dégradation de biens et introduction de matériels qui n’ont rien à faire dans un stade.

Notre correspondant à Lens, Benoît Dequevauviller

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Pour résumer

Si le climat semble s’être apaisé entre les dirigeants lensois et une partie des ultras, les pouvoirs publics conservent un œil attentif.

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Rédacteur
julien.perez

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