par julien.perez

RC Lens - EXCLU : les Red Tigers contre-attaquent après l’affaire des violences

Alexandre Zehnder défend deux supporters lensois accusés d’avoir commis des violences à l’encontre de policiers, en marge de la rencontre Le Havre-Lens disputée au stade Océane le 30 janvier.

Alexandre Zehnder défend deux supporters lensois accusés d’avoir commis des violences à l’encontre de policiers, en marge de la rencontre Le Havre-Lens disputée au stade Océane le 30 janvier. Et selon lui, le dossier est vide. Lui et ses collègues plaideront donc la relaxe le 7 septembre devant le tribunal de Béthune.  

Maître Zehnder, quel était votre sentiment lorsque vous avez accepté de défendre deux des quatorze protagonistes dans cette affaire de violences et dégradations ? 

« Dés le départ, ce dossier m’a un peu choqué. Rapidement, mon sentiment a été que les autorités ont surtout voulu mettre des interdictions administratives à l’encontre des « Tigers » en prévision de l’Euro. L’idée était de dire aux gens : ‘vous voyez, on prend les devants pour l’Euro’.  ».

Selon vous, toute cette histoire s’inscrit donc dans un cadre beaucoup plus global n’est-ce pas ?

« Oui je pense. J’en suis même sûr. Une semaine avant ce dossier, j’avais déjà plaidé pour des « Tigers » concernant des faits de fumigènes. Et j’avais expliqué qu’on les poursuivait uniquement pour tenter d’aseptiser les stades et montrer que les pouvoirs publics menaient une vraie répression contre les ultras. Et comme certains considèrent qu’ils emmerdent le monde… ».

Qu’est-ce qui est à l’origine de ces incidents du Havre selon vous ? 

« Au départ, les Tigers avaient pris un accord avec les supporters locaux. Car il y avait des tensions. On connaît l’historique. Ce n’est pas très tendre entre eux. C’est d’ailleurs dans le dossier. Et la sous-préfecture de Lens en avait été avisée. Le but n’était donc absolument pas de semer la zizanie. Il n’était pas question d’arriver n’importe comment au stade Océane. En revanche, les Lensois devaient avoir un quartier libre, trois heures avant le match pour pouvoir aller se restaurer et boire un coup. Donc sur place, ils n’ont pas compris pourquoi le programme avait changé ».

Pouvez-vous nous détailler le cheminement des faits ? 

« Les Lensois ont été pris en charge juste après une aire d’autoroute. Et ils ont été emmenés au stade. Là, les forces de l’ordre les ont encerclés. Dans l’enclos, il n’y avait rien pour aller manger ou boire quelque chose, même pas de toilettes. Et effectivement, ça a commencé à s’énerver. Sur les vidéos, on voit d’ailleurs qu’il y a des jets. Il y a eu aussi des mouvements de foule des supporters qui ont un peu joué avec la police, car ils voulaient franchir les grilles. Ce n’est pas contesté. Les policiers ont donc dû bouger un peu pour les contenir et Il y a eu des gazages. Je rappelle au passage que des gamins ont été gazés quand même ».

Que répondez-vous à la sous-préfète de Lens qui a déclaré dans But Lens que les règles du déplacement étaient parfaitement définies avant et que les supporters ne pouvaient pas invoquer la surprise des conditions d’accueil au Havre ?

« Qu’ils soient avertis à l’avance, c’est vrai pour certains matches. Mais là, avec les accords qui avaient été pris, et je le répète ces éléments sont dans le dossier, ce n’était pas du tout ce qui avait été prévu pour ce match. Les supporters avaient à l’esprit qu’ils allaient être escortés, certes. Mais pas le reste… »

Selon des sources policières, il semble que l’on identifie parfaitement bien certaines personnes sur les bandes vidéos, auteurs notamment de jets de canettes à destination des forces de l’ordre. Est-ce aussi votre avis ?  

« Il y a effectivement eu des jets de projectiles. On ne le nie pas. En revanche, je ne suis pas certain que l’on puisse identifier aussi bien que ça les auteurs. En tout cas, j’ai visionné les bandes. Et je ne suis pas persuadé que l’on puisse démontrer la culpabilité de mes clients. Donc je suis assez confiant sur le déroulé de l’audience ».

Ce ne sont pas les premiers incidents où les « Tigers » sont impliqués. Pourquoi cette fois, cette affaire a-t-elle pris autant d’importance ?  

« Déjà, les faits ont été fortement médiatisés. Ensuite, un haut-gradé du commissariat de police du Havre a été concerné. Il nous dit aujourd’hui qu’il a été blessé. Pour autant, nous n’avons toujours pas de certificat médical au dossier ».

Comment expliquez-vous que les faits remontent au 30 janvier et que le placement en garde à vue des personnes concernées ne s’est effectué que le 20 avril et alors qu’il n’y a eu aucune interpellation le jour même ? 

« L’enquête a duré un petit moment. Il y avait beaucoup de choses à considérer. Ils devaient notamment décortiquer de nombreuses heures de vidéosurveillance et des images de la police. Il a fallu tout visionner ».

Comment s’est déroulée la garde à vue ? 

« Ils ont tous gardé le silence. Donc ça a été rapide ».

Les quatorze protagonistes ont été convoqués une première fois le 1e juin dernier. Pourquoi l’affaire a-t-elle été renvoyée au 7 septembre ? 

« Le dossier a été renvoyé car beaucoup de vidéos ne nous avaient pas été communiquées. Tous les avocats n’avaient pas eu accès à ces éléments vidéo importants. En plus, c’est mieux que l’audience ait été renvoyée. Car le 1e juin, c’était dix jours avant le du début de l’Euro. Alors on n’a pas demandé le renvoi pour ça. Mais le fait de plaider en septembre, dans un climat un peu dépassionné par rapport à l’Euro, ce n’est pas plus mal. En revanche en juin, nous avons obtenu une levée partielle des interdictions administratives prononcées au mois d’avril ».

Lors de cette audience, certains avaient lancé un appel sur les réseaux sociaux pour aller soutenir leurs camarades au tribunal de Béthune. Pensez-vous que cela serve les intérêts de vos clients et des autres protagonistes ? 

« Oui c’est vrai, ça pouvait être à double tranchant. Mais ça s’est bien passé. A un moment donné, il était question qu’ils viennent avec des tee-shirts en arborant un soutien aux « Tigers » ou des slogans comme on entend parfois aujourd’hui : « police partout justice nulle part ! » On leur avait juste demandé de venir tranquillement. Et finalement, ils sont venus sans signe distinctif. Donc ça laisse aussi à penser que les « Tigers » peuvent se monter raisonnables et résonnés. L’audience a quand même duré une bonne partie de l’après-midi, alors que l’on n’a même pas évoqué le fond. Or il n’y a eu ni débordements ni grabuge ».

Selon vous, les « Tigers » payent-ils leurs antécédents ? Par exemple, l’année dernière, il y avait déjà eu des événements graves, avec notamment l’emploi de fumigènes dans une station-service déjà à proximité du Havre… 

« Je ne sais pas. Mais ce dont je suis sûr c’est qu’à un moment donné, ils ont payé les craintes que pouvaient avoir les pouvoirs publics par rapport à l’opinion. Et que quelques mois avant l’Euro, il fallait sortir un peu les muscles et montrer qu’on pouvait prononcer des interdictions administratives de stade et que c’était le bon moment pour le faire ».

Les « Tigers » ne payent-ils pas aussi leur mauvaise réputation en déplacement et un an de dégradations récurrentes dans la tribune Marek à Bollaert ?

« Ecoutez, on parle de supporters ardents. Moi je dis plutôt que ce sont de fervents supporters. Après, si dans ce groupe - comme dans n’importe qu’elle autre d’ailleurs !- certains sont plus chauds que la moyenne et que les autres payent de la manière dont ça s’est passé au Havre, c’est absolument scandaleux. Alors je pense que le club veut visiblement faire le ménage. Et que les pouvoirs publics, eux, veulent montrer  pas mal de choses par rapport à ça. Mais au regard des éléments du dossier, je trouve que ça ne s’est pas passé de la bonne manière ».

Concrètement, que la justice reproche-t-elle aux protagonistes de cette affaire ? 

« Des faits de violences. Mais il y a aussi des dégradations de sièges, des toilettes ».

Que risquent-ils ? 

« Une facture de plus de 4.000 euros a été remise pour les sièges. Donc s’il y a des condamnations et si elles tombent, forcément qu’il va y avoir des conséquences financières pour les « Tigers ». Mais nous allons contester les faits et plaider la relaxe. Car dans le dossier, il n’y a pas grand-chose ».

Visiblement, le club en a marre des débordements à répétions des « Tigers », la sous-préfète de Lens se dit très vigilante sur le sujet, la FFF et la Ligue supportent de moins en moins les ultras, n’avez-vous pas peur que la sanction soit sévère voire très sévère ? Une décision pour l’exemple en quelque sorte… 

« C’est le risque ! Nous, on va se battre essentiellement là-dessus pour justement démontrer que si on veut uniquement les condamner pour ces raisons-là, c’est facile de le faire. Mais que sur la base du dossier, ce sont des responsabilités individuelles. On les juge de manière individuelle et là on veut en faire des responsables collectifs. On veut condamner les « Tigers » en tant qu’entité collective. Les ultras sont entre guillemets le poil à gratter du foot français et des stades. Mais si on veut effectivement rendre la justice, on ne peut pas les condamner sur la base de cette procédure-là. Après, s’ils sont condamnés, ce sera pour des raisons qui m’échappent. Ou alors pour des raisons d’influence politique et uniquement dans ce contexte où on veut les éliminer. Déjà, certains ce sont un peu servi de ça pour faire cette procédure. Mais moi j’ai toute confiance. Car si on ne se base que sur le dossier, ça va être compliqué de les condamner. Mais on verra bien… Le 7 septembre, nous ne sommes pas à l’abri d’une surprise ».

Il y a quelques mois, Daniel Percheron, l’ex-président de région, a pris ouvertement la défense des supporters lensois présents au Havre. Cela peut-il jouer d’une façon ou d’une autre sur la décision rendue ? 

« Je ne pense pas ! Ses déclarations étaient bien vues. Et à un moment donné, cela a permis de rétablir les choses. A part lui, et notamment au moment des faits, je n’ai entendu personne s’émouvoir du sort qui a été réservé aux « Tigers ». Mais je ne pense pas que ces propos viendront peser sur la décision qui va être rendue. En revanche, nous avons versé au dossier l’ensemble des messages, tweets et autres soutiens de supporters lensois non ultras présents au stade Océane et qui ont été extrêmement choqués de la manière dont ça s’est passé. Des gens qui ne font pas partie des « Tigers » et qui ont vu des gens se faire gazer ».

Est-ce que l’affaire pourrait être une nouvelle fois renvoyée à une date ultérieure ? 

« Je pense que ce sera plaidé. Après on n’est à l’abri de rien. Il peut y avoir une demande de renvoi formulée par un avocat ou par le parquet. Mais en principe ce sera plaidé… »

Cette affaire semble vous tenir particulièrement à cœur. Pourquoi ? 

« Je suis un supporter de Lens depuis l’âge de six ans. Cette affaire me parle. Et c’est un honneur de défendre les supporters lensois. Mais je sais aussi que chez mes confrères, certains sont supporters de Lille. Or, ça leur tient aussi à cœur de défendre des ultras. Car dans cette procédure, il y a des choses assez scandaleuses. C’est pour ça que nous sommes aussi remontés. C’est vraiment par rapport à la manière où cela s’est passé au Havre. Il y a eu pas mal de violences policières. Il y a eu des gazages. Et derrière, on a voulu retourner la procédure contre les « Tigers » qui, je le répète, ont été maltraités ce jour-là. Et enfin, la manière dont on a utilisé cela pour ensuite leur interdire l’accès au stade durant l’Euro. C’est vraiment tout ça qui me choque ».

Notre correspondant à Lens, Benoît Dequevauviller

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Pour résumer

Alexandre Zehnder défend deux supporters lensois accusés d’avoir commis des violences à l’encontre de policiers, en marge de la rencontre Le Havre-Lens disputée au stade Océane le 30 janvier.

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