Comment Arès a pris le pouvoir à l’OL pour sauver ses millions

Interview de David Gluzman.
Alexandre Corboz
12 juillet 2025

Banquier d’affaires et contributeur de l’After Foot, David Gluzman était notre invité du Talkshow OL vendredi. Collaborant notamment avec Arès Management dans le cadre de son travail, il nous a livré un témoignage très constructif sur le fonctionnement du fond prêteur et ce qui attend l’Olympique Lyonnais dans les prochaines semaines. Morceaux choisis.

David, as-tu été surpris du repêchage de l’OL par la DNCG fédérale, pourtant plus stricte que celle de la LFP ?

David Gluzman : Pas vraiment. Quand on a deux mastodontes financiers comme Arès Management et Goldman Sachs au niveau des actifs du club (GS a repris les dettes de l’OL à l’échéance 2044, NDLR), c’était le sens de l’histoire qu’il y ait au moins une tentative de restructuration. Non pas parce que les sommes en jeu soient considérables pour ses entités mais pour le risque réputationnel (…) Ce sont des gens qui lèvent beaucoup d’argent et pour eux, ça aurait pu être très problématique. Je ne suis pas du tout surpris de voir Arès s’investir davantage. Ils ont fait une erreur en prêtant autant, dans des conditions presque usurières (taux de 19 à 22%), à John Textor. Mais, pour travailler souvent avec eux, ce sont des gens qui savent corriger leurs erreurs.

Il s’agit quand même d’une petite prise de risques par Arès, qui a amené des garanties et s’est même présenté à la DNCG fédérale en compagnie de Michele Kang (président d’Eagle Football Group) et de Michaël Gerlinger…

S’il a une chose qui m’a agréablement surpris, c’est de voir qu’Arès et les autres coprêteurs sont tous arrivés ensemble à la conclusion que la relégation en Ligue 2 allait enterrer la valeur de leur « collatéral » et qu’il était possible de mettre en place une politique de restructuring. Donc Arès est arrivé à la conclusion que même en réinvestissant, je vais pouvoir minimiser mes pertes même si les 385 M€ de prêt de Goldman Sachs seront prioritaires. Cela rassure sur l’optimisme de toutes les parties prenantes du dossier. Ils croient vraiment en leur projet. D’un point de vue du financier extérieur que je suis, je me dis qu’on va vivre les saisons les plus passionnantes de l’histoire du football français. Moi, j’ai vraiment envie de voir ça.

En parallèle, Arès va aussi récupérer ses gages sur la vente à venir de Crystal Palace. C’est une preuve supplémentaire du désaveu de John Textor, qui aurait aimé réinvestir l’argent dans un autre club anglais…

En faisant ça, ils se sont « dérisqués ». Moi, quand je finance un portefeuille risqué et qu’il y a une vente, je capte le produit de la vente pour réduire mon exposition. C’est ce qui a été fait. Arès a une perte de confiance énorme envers John Textor. Ils avaient l’occasion de réduire d’un bon tier leur exposition.

« Un plan social ? Oui, c’est inévitable ! »

Le 7 mai dernier, Arès a fait nommer un expert indépendant au sein de la Eagle Football Holdings Bidco Limited. Que t’inspires la venue de Christopher Mallon dans le paysage de cette multipropriété et plus particulièrement de l’OL ?

C’est un spécialiste du restructuring avec beaucoup d’expérience comme on le voit en déroulant son CV. C’est quelqu’un qui va couper les coûts là où c’est possible tout en préservant l’exploitation de l’activité. Il est là pour optimiser la valeur ou plutôt minimiser les pertes pour l’actionnaire et les prêteurs. On peut penser qu’il a des objectifs chiffrés et qu’il fera tout pour les atteindre. Ce sont des objectifs de masse salariale, d’EBIDTA… Il est là pour embellir la mariée dans le cadre d’une vente. Je ne peux pas vous dire mieux car c’est ce qui doit se passer…

Dans tous les gros dossiers où il est passé, Chris Mallon a commencé par un plan social. C’est un spectre qui plane sur les 500 salariés de l’Olympique Lyonnais ?

Oui, c’est inévitable ! Dans le football, tu peux externaliser pas mal de choses : ta data, ta direction financière, ton marketing digital, ton merchandising… Je ne dis pas qu’il faut être une coquille vide et qu’il faut faire le Jean-Marie Messier (ex-PDG de Vivendi, réputé pour ses coupes drastiques notamment à Canal+ lors de son passage, NDLR) en arrivant et en virant tout le monde. Il faut que ça reste humain mais il y a certainement moyen de faire plus avec moins. Pour moi, il y a surtout un secteur où il ne faudra pas couper et même relancer : c’est la formation. A mon sens, les postes administratifs sont malheureusement « externalisables ». Personnellement, j’investirais très fort sur tout ce qui est data avec Ben (Charrier) et Micka (Marques) ainsi que sur le centre de formation. Ce sont deux secteurs générateurs de revenus.

L’excellente émission avec David Gluzman est à retrouver sur notre chaîne YouTube :

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