Tribune Supporters : L'avocat des Ultras prend la parole

Pas de ballon rond sans eux, pas d’ambiance dans les stades sans eux.  Cette rubrique est la vôtre. Notre adresse : contact@buteditions.com

Petit rappel. Le 18 mai 2010, le « plan Leproux » est créé. Le but ? Le nettoyage des tribunes du Parc des Princes et la suppression des abonnements annuels dans les tribunes Auteuil et Boulogne. Depuis l’hiver 2012-2013, Pierre Barthélemy avocat, et lui-même supporter du PSG, a décidé de prendre la défense des supporters historiques. Les pouvoirs publics ont choisi une approche répressive et sécuritaire envers les supporters et à l’heure où la question sur les Ultras fait débat en France, voici une interview vérité ô combien intéressante.

Vous êtes actuellement avocat d’anciens ultras du PSG, pourquoi avez-vous choisi de les défendre ?

J'interviens au soutien des intérêts de certains supporters et de certaines associations de supporters, sans que nécessairement il ne s'agisse d'"anciens Ultras" ou des supporters parisiens. La motivation est double. D'une part, j'ai passé ma jeunesse dans les travées des stades, et plus particulièrement du Parc des Princes. Bien davantage que le spectacle sportif souvent décevant, j'étais sensible à la force de l'engagement des associations de supporters derrière leurs couleurs : animations vocales, tifos exceptionnels et entièrement faits à la main, participation aux déplacements à travers l'Europe et les saisons. Je n'ai pas oublié et regrette les émotions qu'ils m'ont données durant toutes ces années. D'une certaine manière, je me sens redevable. D'autre part, en tant qu'avocat, je suis chagriné de voir que certains clubs et les pouvoirs publics prennent des libertés avec la légalité pour écarter injustement certains supporters des stades. Il m'a donc paru naturel d'offrir mon expérience et mes compétences à ces supporters qui en avaient besoin.

Trouvez-vous que l’on s’acharne sur les « Ultras » ? Que l’image véhiculée par certains médias et par une partie de l’opinion publique n’est pas la bonne ?

Il ne me semble pas que l'acharnement répressif vise les "Ultras". C'est une conception du supportérisme qui est visée. D'une part, les clubs et les pouvoirs publics semblent vouloir écarter des stades les associations de supporters en qui ils voient des contre-pouvoirs (commerciaux, sociétaux) ou des noyaux d'expressions qu'ils ne peuvent pas contrôler. Au lieu d'apprendre à les connaître par le dialogue, ils décrètent qu'il faut en avoir peur. A tort, ils considèrent que ces associations, en tant que groupes, peuvent constituer des dangers. Alors qu'en tant que personnalités morales, elles sont l'un des meilleurs moyens de régulation des tribunes. D'autre part, ces clubs et pouvoirs publics, pour des raisons aussi bien idéologiques que commerciales, veulent écarter la frange populaire des supporters. Les clubs veulent augmenter leurs recettes billetterie tandis que les pouvoirs publics se fondent sur un surprenant postulat selon lequel les supporters à risque sont les supporters les moins fortunés. Malheureusement, ces mesures contreproductives et liberticides trouvent un certain relais dans les médias ou dans l'opinion publique. Une confusion est savamment entretenue entre hooliganisme et supportérisme populaire. Par exemple, l'usage de fumigène est assimilé à de la violence. De même, il est martelé qu'il n'est pas possible de venir au stade avec des enfants quand des groupes de supporters passent 90 minutes à entreprendre des chants bruyants et des chorégraphies massives. Toutefois, si l'on est objectif, l'on peut constater que cette méprise de certains médias et hommes politiques est en déclin. De plus en plus souvent les journalistes s'intéressent à l'univers des supporters et opposent de la nuance aux clichés. Les interventions de parlementaires ou élus locaux se multiplient aussi pour rappeler que le supporter "historique" est avant tout un passionné qui dispose d'un véritable savoir-faire. Les rapports et résolutions politiques ne cessent désormais d'appeler les autorités et les instances du football français à accueillir des représentants des supporters à leurs tables.

"Le PSG doit-il résilier le contrat de Mr. Ibrahimovic pour avoir critiqué vulgairement les institutions du football français ?"

Je crois fortement en un modèle français du supportérisme qui placerait la prévention et le dialogue en son cœur. La répression aveugle et absolue est un aveu d'échec et une option suicidaire. Si ce sont mes compétences d'avocat que je mets au service des supporters, c'est bien en tant que supporter (et non UItra, que je ne suis ni n'ai jamais été) que je me consacre à ces sujets. Chacun apporte bénévolement son enthousiasme et son savoir-faire, par conviction et non par ambition. Je ne conçois pas monnayer mon soutien à un tel projet.

Lors du match PSG Monaco du 4 mars dernier, un supporter du PSG a été interdit de stade pour avoir critiqué la politique de son club. Trouvez-vous que cette sanction est disproportionnée ? Êtes-vous rentré en contact avec lui ?

Ce supporter m'a effectivement contacté lorsqu'il a appris dans la presse que le PSG envisageait de résilier son abonnement. Cette sanction est nécessairement disproportionnée. Il n'a ni critiqué ni injurié quiconque. Il n'a fait que rappeler à un club de football qu'il risquait de se priver de ceux de ses supporters qui n'ont plus les moyens de suivre les hausses de prix d'abonnement. Le PSG doit-il résilier le contrat de Z. Ibrahimovic pour avoir critiqué vulgairement les institutions du football français ?

A ce jour, quelles sont les décisions de justice ?

Qu'il s'agisse des juridictions (civiles et administratives) ou des autorités administratives (CNIL), les décisions favorables s'accumulent. C'est un encouragement fort pour les supporters à continuer de faire valoir leurs droits lorsqu'ils font l'objet de mesures illégales : résiliations d'abonnement et fichage clandestin par les clubs, interdictions de stade ou de déplacement par les pouvoirs publics...

Que peut-on espérer par la suite pour vos actions ? Et pour les supporters parisiens ?

Il y a deux priorités :- mettre fin aux pratiques illégales des clubs et des pouvoirs publics ;- développer les conditions d'un dialogue sain, régulier et constructif entre l'ensemble des protagonistes du football français pour construire un modèle du supportérisme qui allie passion, ambiance, sécurité et universalité.  Il est de mon devoir d'y croire. Et les signaux récents m'inclinent naturellement à l'optimisme.

Propos recueillis par Flavien Barbereux

Pour résumer

Chaque jeudi, à 18 heures, Butfootballclub donne la parole à tous ceux qui sont l’essence même du football : les supporters.

Rédacteur
Alexandre Corboz