OL – EXCLU : « On était considéré comme des vieux cons réfractaires aux changements »

Dans notre talkshow avant Rennes – OL, Gilles Rousset (ancien gardien des deux clubs et éducateur lyonnais pendant 15 ans) est revenu sur son après-carrière, dressant un constat sans fard et rare sur l’Académie rhodanienne. Morceaux choisis de notre interview sur le grill à voir absolument.
But ! Football Club : Gilles, peu de gens le savent mais après ta carrière de gardien de but, clôturée en 2001, tu as été agent de joueurs…
Gilles Rousset : Oui. A la fin de ma carrière, j’ai eu l’opportunité de reprendre mes études. Cela me tenait à cœur. Comme j’avais dû arrêter mes études assez tôt pour faire du foot, je ressentais un petit manque. Je n’avais pas eu le bac mais au final, j’ai eu l’opportunité de faire un Master en marketing et management du sport professionnel. Pour valider mon diplôme, je devais faire un stage. Pendant deux ans, j’étais stagiaire auprès de mon agent et ami Frédéric Dobraje. Comme je parlais anglais et que j’avais un réseau là-bas, je m’occupais du marché britannique. Si le métier était super intéressant, j’ai compris qu’il fallait assez vite savoir naviguer en eaux troubles. Ça, ce n’est pas trop mon truc…
Comment es-tu rentré à l’OL en 2004 ?
Dès la fin de mon Master, j’ai eu l’opportunité de rentrer au centre de formation pour m’occuper des gardiens de but à la demande de Rémi Garde, qui était alors recruteur chez les jeunes. Quand je suis arrivé, j’étais avec Alain Olio comme directeur du centre de formation. J’ai eu la chance d’apprendre mon métier d’entraîneur avec des éducateurs extraordinaires : les Robert Valette, Patrick Paillot, Armand Garrido, Gérard Bonneau, Abdel Belarbi, Guillaume Tora… On avait une belle équipe de mecs estampillés Olympique Lyonnais qui ont été, un peu comme moi, virés comme des malpropres…
Pendant 15 ans, tu as occupé beaucoup de postes à la formation. L’aventure ne s’est pas bien finie. Est-ce que tu as digéré ton départ en 2019 pendant ce qu’on va appeler la « purge Vuillez » ?
A l’époque, on ne parlait pas de « purge Vuillez ». Ce n’était pas considéré comme ça. Nous, on savait que c’était une purge. On l’avait signalé. On avait dit à Vincent Ponsot et Gérard Houllier : « attention, au centre de formation, on travaille moins bien, on a de moins en moins d’exigence et d’entraînements pour les gamins … » A l’époque, on était considéré comme des vieux cons réfractaires aux changements, aux nouvelles technologies, aux nouvelles méthodes…
A quoi tu fais allusion quand tu parles de nouvelles technologies ou de nouvelles méthodes ?
Encore aujourd’hui, je ne pense pas que diminuer de moitié une séance d’entraînement – quand tu en as déjà supprimé une dans la semaine – pour mettre 45 minutes de yoga à la place, c’était aller dans le bon sens ! Je n’ai rien contre le yoga. Je pense que ça peut être très complémentaire. Mais ça ne doit pas prendre de la place sur les entraînements de football. Les gamins, ils faisaient du yoga mais ils n’en avaient rien à foutre ! Ils en pleuraient. Ils nous demandaient pourquoi. Nous, on était obligé d’aller dans le sens de la direction et de vendre le truc… Mais les gamins n’avaient qu’une seule envie, c’était de jouer au foot. On a été traité de vieux cons, virés comme des vieux cons. Tout ça pour s’apercevoir des années après qu’on n’était pas très loin de la vérité et que les vieux cons, c’était juste des gens avec de l’expérience qu’on aurait dû écouter.
« Il y a eu ce fameux audit de Gérard Houllier qui a fait beaucoup de mal »
Tu as aussi dit que séparer le centre de formation des pros c’était une grossière erreur…
Oui. On l’a souligné dès le départ ! On nous a dit : « Meyzieu – Décines, il n’y a que 3 kms, il y aura des passerelles… » Il n’y a jamais eu de passerelles en fait ! En vrai, nous on faisait du foot. D’autres faisaient de la politique…
Aujourd’hui, l’OL semble désireux de revenir sur ses erreurs à ce niveau-là. A l’horizon 2028, l’OL ambitionne de ramener ses jeunes aux côtés des pros au Groupama OL Training Center…
Voilà. Aujourd’hui, on y revient. Mais on a perdu dix piges ! T’as foutu en l’air dix ans de centre de formation. Il n’y a qu’à voir l’état du centre aujourd’hui. Tout est à refaire. Tout s’est effiloché au fur et à mesure. Il y a eu ce fameux audit de Gérard Houllier qui a fait beaucoup de mal. Il était à charges pour certains et à crédit pour d’autres. On a perdu beaucoup de temps. Tout ce qui a été construit par José Broissart jusqu’à Stéphane Roche en passant par Alain Olio, Georges Prost ou Rémi Garde, ça a été détruit… Oui, le retour des jeunes auprès des pros est une bonne chose mais que de temps perdu et que de savoir-faire foutu en l’air…
Quel regard tu portes sur le centre depuis 2023 ? On revient à quelque chose de plus conforme à ce que vous souhaitiez, vous les anciens …
Je ne sais pas. Je n’ai pas ou presque plus de contacts à l’exception de « Pierrot » Chavrondier que j’ai au téléphone de temps en temps. Je pense qu’on a perdu beaucoup de choses. Aujourd’hui, il y a moins d’exigence, moins de discipline… Tout est parti en vrille et pour remettre ça en place, c’est très difficile.
Aujourd’hui, l’effectif de Paulo Fonseca est court avec quelques jeunes qui auront leur chance. Comment tu vois ça ?
Le problème, c’est qu’il faut que les jeunes soient prêts. Quand on a eu vraiment besoin des jeunes du centre, c’était dans les années 2010 avec la génération Lacazette – Grenier – Ghezzal – Tolisso – Ferri – Umtiti – Fékir … Tous ces mecs-là étaient prêts. Pourquoi ? Parce qu’ils avaient fait 2-3 saisons en CFA et ils s’étaient frottés au foot d’adultes. Est-ce que nos gamins sont prêts aujourd’hui ? Je ne sais pas… Mais ce sera une belle opportunité de montrer leur talent. Là on voit que le petit Khalis Merah pointe le bout de son nez. C’est très bien. Après il faut voir ce que les autres vont donner, notamment les attaquants car il y aura des opportunités…