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17 juin 2025

Dossier OL Académie (1/3) : autopsie d’une chute

Dossier OL Académie (1/3) : autopsie d’une chute
Alexandre Corboz
17 juin 2025
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Ces derniers temps, l’Académie de l’OL est beaucoup critiquée. Tombée du podium des centres français au dernier classement de la FFF (4ème), la formation rhodanienne traverse quelques turbulences. Dans une saga en trois volets, au passé, au présent et au futur, But Football Club vous propose un état des lieux de la situation.

Pour comprendre le présent, il faut savoir s’intéresser au passé. Décembre 2012, l’Observatoire du football (CIES) place l’Olympique Lyonnais (OL) au 2ème rang des meilleurs centres de formation du Monde. Juste derrière la Masia du FC Barcelone mais devant la Cantera du Real Madrid. A cette époque, « l’usine à champions » est à son apogée. En Europe, les Gones s’affichent partout, portés par deux générations talentueuses (celle de 1987 de Karim Benzema et la génération 1991 d’Alexandre Lacazette). Avec la planification du déménagement du club à Décines dans son OL Land, le club alors présidé par Jean-Michel Aulas est contraint économiquement de lancer de plus en plus de jeunes au plus haut niveau …et ça marche ! Grâce à son Académie, l’OL se maintient au top niveau français, enchaînant les présences en Coupe d’Europe. Au moment d’évoquer la clé du succès du centre de Tola Vologe, l’ancien coach de la réserve Robert Valette avait donné à But ! Lyon la « formule magique » : « Plus qu’un secret de fabrication, la formation à l’OL, c’est une méthode perpétuée au fil des ans ». Cette méthode, c’est le fameux « 80/20 ». 80% de traditions, 20% d’innovations pour rester à la pointe.

Meyzieu, la purge Vulliez… et l’inversion des polarités

C’est en perdant cette doctrine (ou plutôt en l’inversant à 20/80) que l’OL a commencé à se fourvoyer.  Avec un tournant majeur : le départ de Tola Vologe vers l’Académie de Meyzieu en 2016. Une (mauvaise) idée née du rapport de Gérard Houllier, basé sur la formation des grands clubs anglais, et destinée à mettre de la distance dans les relations entre les jeunes et les pros. Un premier point visant à casser l’ADN lyonnais sur lequel le club va revenir, conforté par le rapport de Nasser Larguet sur la nécessité de « retrouver une unité de lieu ». Ce qui faisait la force de Lyon dans les grandes années, c’était aussi la transmission entre les hommes. Car si l’OL a souvent changé son directeur du centre de formation entre l’époque José Broissart et la migration à Meyzieu, cela n’avait pas forcément d’incidences car les tauliers restaient : Armand Garrido en U17, Robert Valette jusqu’à sa retraite avec la réserve, Gérard Bonneau au recrutement… Tous avaient en commun d’avoir profité de la transmission des ainés. Avec son déménagement, l’OL a voulu se moderniser et se rapprocher du fonctionnement d’un Pôle Espoir.

A l’été 2017, Jean-François Vulliez débarque de la préformation pour récupérer le rôle de directeur du centre avec un nouveau projet… et le Haut-Savoyard, aujourd’hui adjoint en D2 danoise, amorce une véritable purge avec les historiques. En début d’année, Armand Garrido, encore amère, s’était confié sur ce passage douloureux : « On a arrêté de travailler dans le bon sens. Les historiques ont été écartés par un directeur du centre de formation qui a voulu imposer son fonctionnement. Tout ce qui lui résistait, il l’a écarté (…) Un centre de formation, ce n’est pas un Pôle Espoir. Dans un club, on forme des joueurs pour faire de la compétition… et là, on a oublié la compétition ». Au niveau du recrutement, le départ de Gérard Bonneau – qui avait basculé chez les pros au contact de Florian Maurice quelques mois plus tôt – n’a pas non plus été anticipé. L’OL – qui avait un axe PLM (Paris – Lyon – Marseille), une veille des pôles Espoirs, des grandes compétitions et de l’international – est revenu sur du 100% local… Avec les limites évidentes de ce fonctionnement.

D’un club qui avait l’habitude d’œuvrer avec un message clair et des fondations solides, l’OL a alors commencé à tanguer. Comme nous l’a très bien expliqué Nasser Larguet, qui a travaillé pour Lyon en qualité de consultant dans la restructuration du projet, l’instabilité naissante n’a pas aidé ensuite : « Pour moi, tout tient dans la notion de stabilité. A l’époque, vous avez eu l’AJ Auxerre, le FC Nantes, Lyon… Des clubs avec une vraie culture formatrice qui s’appuyaient sur une équipe d’éducateurs qui restaient longtemps en poste et imposaient une certaine culture. Aujourd’hui, si vous changez les formateurs tous les trois ans, je pense que vous aurez des problèmes… »

Sous Textor, l’instabilité se cultive, trois directions en deux ans !

Fort de son « ranking » dans les divers classements français, hérité de ses belles ventes réalisées au fil des ans (plus de 550 M€ de ventes en un quart de siècle), l’Olympique Lyonnais a-t-il dès lors fermé les yeux sur son déclassement en minimisant ses erreurs ? C’est possible… Et l’arrivée de John Textor n’a pas franchement aidé. L’Américain l’a dit d’emblée : lui préférait recruter un joueur à 30 M€ pour le revendre 50 plutôt que de former un joueur qu’il revendra 20. Les ventes des bons éléments sont arrivées avant leur maturité sportive ou avant qu’ils n’aient réellement pu profiter à l’OL sur une saison complète (Barcola, Lukeba, Sarr). Quant à l’instabilité, le boss d’Eagle en a fait sa marque de fabrique… Même quand il lui est arrivé d’avoir de bonnes idées comme d’introniser Pierre Sage directeur du centre de formation à l’été 2023 à la place du décrié Vulliez. Le basculement chez les pros du Bourguignon à l’hiver a une nouvelle fois fait tanguer l’édifice. Obligé de repartir à zéro avec Fabien Caballero en binôme dès l’été 2024 avec Johann Louvel. Là aussi, le plan n’était pas mauvais… avant que Caballero, séduit fin 2024 par Florian Maurice, ne quitte lui aussi la Capitale des Gaules en cours de saison pour rejoindre l’OGC Nice. En associant Mathieu Seckinger à Louvel dans un nouvel attelage bicéphale mal coordonné, l’OL n’a visiblement pas appris de ses erreurs. Les derniers historiques (Barlet, Dolce) partis ou déclassés, les hémisphères gauche et droit provoquant des micmacs (comme les récents couacs du recrutement…), l’OL Académie n’est aujourd’hui pas loin du Ground zéro en termes de stabilité.

Les jolies ventes des années passées en arbres cachant la forêt, il est un indicateur qui ne ment pas : la quasi absence de palmarès. Habitué à avoir des résultats chez les jeunes et même à dominer l’ancien championnat de CFA (4ème division), l’OL a vu sa réserve descendre en National 3 (D5) et ne participe même pas régulièrement à la Youth League (Ligue des Champions des jeunes). Pire, il n’écrit plus de lignes à aucun niveau de son palmarès. Seulement deux titres depuis 2012 : celui de champion de France U17 en 2014 et la Coupe Gambardella 2022 remportée par Eric Hély, lui aussi reparti à Sochaux. Une « génération Gambar » que l’OL a déjà quasiment éliminé de ses effectifs et qui n’aura absolument pas été valorisée.

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