Christian Lopez
Christian LopezCredit Photo - Icon Sport
par Alexandre Corboz
INTERVIEW

ASSE – EXCLU Christian Lopez : « Moi joueur, on ne prendrait pas ces buts-là »

Emblématique défenseur de l'ASSE (1971-1982), Christian Lopez nous livre son regard sur les difficultés des Verts. L'oeil incisif sur les soucis défensifs ligériens et sur les actionnaires du club, l'ancien libéro (69 ans) se refuse cependant à tirer sur tout le monde, épargnant Laurent Batlles ou encore Loïc Perrin.

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But ! Saint-Etienne : Christian, on vous voit au moins une fois par an à Saint-Etienne à l'occasion du tournoi de golf où participent les anciens de 1976. Ces retrouvailles sont devenus une forme de rituel …

Christian Lopez : Oui, depuis une quinzaine d'années, c'est devenu l'occasion pour nous de revoir durant au moins un week-end. Certains arrivent quelques jours avant, d'autres restent un peu après... Cela nous permet de passer un vrai bon moment.

Pour la plupart, vous vivez tous loin du Forez mais cet événement est aussi l'occasion pour vous de marquer votre connexion à Saint-Etienne. Lorsque nous l'avions interviewé, votre grand ami Oswaldo Piazza restait quasiment deux mois en France...

Forcément, Oswaldo habite à quelques milliers de kilomètres de Saint-Etienne. Lui, il est obligé de rester un peu plus longtemps. C'est comme Gérard Janvion qui vient de Martinique. Tout est bon pour se voir, pour passer un bon moment ensemble. D'ailleurs, ce soir (jeudi 27 octobre, jour où l'interview a été réalisée, NDLR) je profite du match entre Nice et le Partizan Belgrade pour aller au stade voir mon ami Ivan Curkovic, président d'honneur du club serbe. Le lien dans tout ça, c'est évidemment ce qu'on a vécu à Saint-Etienne. Mais ne croyez pas qu'à chaque fois, ça vire à la réunion d'anciens combattants qui se remémorent les vieux souvenirs. On ne discute pas toute la journée de ce qui se passe au club (même si on a tous la même opinion sur la question). Non, on est simplement heureux de se voir entre amis. D'ailleurs, on attend tous avec impatience ce fameux tournoi de golf du mois de septembre pour nous retrouver et prendre des nouvelles les uns des autres ...

Pour les amoureux des Verts que vous êtes, ça doit être compliqué de voir l'équipe aujourd'hui 18ème de Ligue 2...

(Il souffle) Oui, ça l'est. Mais ce que Saint-Etienne vit aujourd'hui n'est que la conséquence de plusieurs années difficiles. En tant qu'ancien, on regrette toujours ce qui se passe, on regrette que le club n'a pas fait appel à nous. Je pense que les Verts de 1976 ont apporté beaucoup à l'ASSE et à la ville de Saint-Etienne. A partir de là, chacun a ses idées et ses opinions mais on est quand même beaucoup à penser que cela fait quelques années déjà que les actionnaires auraient dû passer la main.

« L'ASSE est aujourd'hui dans une situation dramatique »

Quand nous avions interviewé Oswaldo Piazza ou Gérard Janvion, ils étaient tous les deux inquiets pour l'avenir du club. Vous l'êtes aussi ?

Evidemment ! Quand on voit ce qui a été fait par toutes les générations de joueurs passées par ce club, avant mais également après nous, c'est dur de voir l'ASSE aussi bas et dans cette situation. Même s'il y a parfois eu des descentes, Saint-Etienne est toujours parvenu à remonter en première division. Aujourd'hui, j'ai du mal à voir des perspectives en ayant un président qui habite à Dubaï et un autre qui est visiblement toujours sur Saint-Etienne mais n'assiste quasiment plus aux matchs. On ne sait plus vraiment comment le football est géré à Saint-Etienne. Jean-François Soucasse est jeune, il a été placé à la présidence, mais est-ce vraiment lui qui a la main ? Ce dont on a la certitude, c'est que l'AS Saint-Etienne est aujourd'hui dans une situation dramatique.

En tant qu'ancien grand défenseur, vous devez vous arracher les cheveux en voyant la porosité défensive de Saint-Etienne depuis deux ou trois saisons …

On m'a toujours dit qu'une équipe se construisait d'abord par sa base défensive, par son axe central. D'ailleurs, nos résultats ont plaidé pour cette idée du football. Il ne peut pas y avoir de résultats sans le minimum de solidité défensive. Aujourd'hui, ce n'est tout simplement pas le cas ! Maintenant, allez trouver des supers défenseurs dans le football moderne, c'est compliqué... En tout cas, à l'ASSE, on a du mal à les trouver. Récemment, j'ai regardé le match entre Saint-Etienne et le Paris FC. Les deux buts parisiens, mon dieu...

C'est vrai que quand on voit le but de Julien Le Cardinal où aucun défenseur ne suit et où Etienne Green sort très très lentement...

Même si c'est emmerdant de le dire, je peux vous assurer que, moi joueur, on ne prendrait pas ces buts-là.Tout le monde tape sur Etienne Green mais est-ce seulement sa faute ? Quand on voit l'action dès le départ, personne ne bouge, tout le monde se regarde. Et le deuxième ? Les Parisiens sont en infériorité numérique et pourtant ça part dans le dos sur notre côté droit, pas un joueur ne va couper pour compenser la monté du couloir. Le joueur du PFC a tout le temps de centrer... Ce n'est pas normal de défendre comme ça ! Tant que nous n'aurons pas une assise solide, ça ne peut pas marcher.

Aujourd'hui, il manque à l'ASSE cette épine dorsale sur laquelle construire...

Totalement ! C'est à ça que je fais allusion quand je parle d'axe central : un gardien – un patron de défense – un milieu solide – un attaquant d'axe qui marque des buts. A mon époque, c'était Curkovic – Piazza – Larqué – Hervé Revelli, on rajoutait à cela Georges Bereta et autour tout était construit avec des jeunes. On avait la base. Derrière, on nous a appris certaines choses. Beaucoup de choses d'ailleurs.

Vous pensez que les joueurs actuels n'ont pas toujours conscience du poids de l'histoire et du maillot ?

Une anecdote me revient. C'était pour les 90 ans de Geoffroy-Guichard. Nous étions tous là. Les trois quarts des joueurs du groupe professionnel ne savaient même pas qui on était. C'est quand même incroyable ! A l'époque, c'est Claude Puel qui était l'entraîneur et il avait demandé à Philippe Gastal (conservateur du musée des Verts, NDLR) de prendre à part les joueurs pour leur raconter l'histoire du club. Déjà, quand on est obligé de faire ce genre de démarches pour des joueurs qui arrivent à Saint-Etienne, comment voulez-vous qu'on puisse avoir des résultats ? Les joueurs ne se sont même pas vu inculquer les valeurs du club ... Nous quand on arrivait, on avait des exemples : les Bosquier, Carnus, Mitoraj, Jacquet, Herbin... On s'entraînait avec eux. On a beaucoup appris et sans doute beaucoup plus vite que ceux qui passent dans les centres de formation d'aujourd'hui. Je ne dis pas que les joueurs qu'on a fait venir sont mauvais mais il leur manque un truc. Quand on arrive à Saint-Etienne, on se doit d'avoir de l'ambition et de le démontrer sur le terrain. Est-ce réellement ce qu'il se passe aujourd'hui ? Je ne sais pas...

« Perrin ? Est-ce qu'on l'a jeté en pâture ? Est-ce un accord entre lui et l'un des deux actionnaires ? »

Laurent Batlles est venu à Saint-Etienne avec des idées de jeu et beaucoup d'envie. Les résultats ont du mal à suivre pour l'instant. Que vous inspire ce coach ?

Le plus important quand on a un coach avec une philosophie, c'est d'avoir les joueurs qui adhèrent à celle-ci. Aujourd'hui, on a beaucoup de gens qui s'en foutent à partir du moment où ils ont signé un contrat... Pour en revenir à la question, j'ai confiance en Laurent Batlles. Je l'ai connu très jeune à Toulouse. Il a joué à Saint-Etienne et connait l'esprit stéphanois. Maintenant est-ce que les joueurs qu'il a amené dans le Forez ont les mêmes valeurs ? J'en doute... Je peux me tromper car je ne suis pas là au quotidien à l'entraînement mais, en simple observateur des matchs, j'ai de gros doutes.

Vous en avez parlé plus tôt : vous êtes d'accord avec le Peuple vert qui réclame le départ des dirigeants...

Oui. Maintenant cela fait déjà quelques années que le club aurait dû être vendu. Bernard Caïazzo et Roland Romeyer auraient dû partir dès 2013, avec la victoire en Coupe de la Ligue. Quand la cote de l'ASSE était au plus haut. A ce moment-là, les présidents – qui avaient mis des sous – auraient récupéré leur mise sans souci et on aurait pu développer quelque chose. Aujourd'hui, ils soufflent le chaud et le froid sur la vente car il y a une histoire d'argent derrière et que c'est plus difficile de céder un club qui se morfond en Ligue 2. Le plus dramatique dans tout ça, c'est que quand l'un veut vendre, l'autre bloque.

Pour finir parlons de Loïc Perrin. Un joueur que vous appréciiez beaucoup. Que pensez-vous du Loïc Perrin dirigeant, envoyé en première ligne depuis janvier dernier ?

Est-ce qu'on l'a jeté en pâture ? Est-ce un accord entre lui et l'un des deux actionnaires ? Comme Jean-François Soucasse, je me demande s'ils ont réellement les mains libres pour faire ce qu'ils veulent. Ces garçons-là, je les vois livrés à eux-mêmes. Pour avoir fait toute sa carrière à Saint-Etienne, Loïc a une certaine expérience. Il a tout connu ici et sait comment le club fonctionne. Je pense qu'il fait réellement ce qu'il peut et qu'on doit lui faire confiance. Après, comme je l'ai dit pour Laurent Batlles, Loïc peut faire venir les joueurs qu'il veut – potentiellement des très bons footballeurs d'ailleurs!- mais s'ils n'adhèrent pas au projet, ce n'est pas non plus un magicien. C'est facile de critiquer l'entraîneur, le directeur sportif et même les dirigeants mais ce sont d'abord les joueurs qui ont la clé...

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Christian Lopez parle des Verts

Emblématique défenseur de l'ASSE (1971-1982), Christian Lopez nous livre son regard sur les difficultés des Verts. L'oeil incisif sur les soucis défensifs ligériens et sur les actionnaires du club, l'ancien libéro (69 ans) se refuse cependant à tirer sur tout le monde, épargnant Laurent Batlles ou encore Loïc Perrin.

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