Adrien Rabiot : génie contrarié ou éternel hors-cadre ?

Adrien Rabiot : génie contrarié ou éternel hors-cadre ?
Wladimir DELCROS
20 août 2025

Adrien Rabiot incarne à merveille ce paradoxe que le football moderne aime nourrir et détester à la fois : un joueur au talent rare, mais dont le parcours est constellé de décisions contestées, de postures solitaires, et de conflits ouverts.

Formé au Paris Saint-Germain, passé par la Juventus, sélectionné chez les Bleus, il a tout vu, tout connu… sauf, peut-être, une trajectoire linéaire.

Car derrière chaque étape de sa carrière se cache une forme de résistance — parfois tactique, parfois contractuelle, souvent symbolique.

Voici un regard sans filtre sur ces épisodes qui ont forgé, et parfois abîmé, l’image d’un joueur aussi brillant qu’insaisissable.

Dossier disciplinaire : 8 antécédents qui collent à la peau

Manchester City : premiers signes d’instabilité (2008) : À 13 ans, Rabiot quitte la France avec sa famille pour rejoindre Manchester City. Six mois plus tard, il rentre précipitamment. Première alerte.

Signature au PSG : sur fond d’enchères (2012) : avant de signer pro à Paris, sa famille démarche d’autres clubs pour faire monter la pression. Rabiot signe, mais la relation avec le club est déjà biaisée.

Refus du stage au Qatar (2013) : il refuse de partir en stage hivernal avec l’équipe, provoquant son prêt immédiat au TFC.

Refus de prolongation au PSG (2018) : il rejette toute offre de prolongation et est mis au placard durant six mois. Il part libre à la Juventus.

Opposition systématique au poste de sentinelle : que ce soit en Bleu, au PSG ou à la Juve, il refuse de jouer en 6. Il impose son poste, quitte à sortir du projet collectif.

Le mail à Deschamps (2018) : pour la Coupe du monde, il refuse d’être réserviste et l’écrit par mail. Exclu deux ans de l’Équipe de France.

“Like” polémique post-Man United (2019) : après l’élimination du PSG, il like une publication se moquant du club. Suspendu.

Refus de baisse de salaire à la Juve (2020) : pendant la crise COVID, il refuse de baisser son salaire et boycotte la reprise de l’entraînement.

« L’explosion finale » : le clash avec Rowe, minute par minute

Juste après la défaite 1-0 de l’OM à Rennes, la tension est extrême. Selon RMC Sport, Adrien Rabiot tient des propos jugés « inadmissibles » par plusieurs dirigeants et coéquipiers.

Il insulte frontalement Jonathan Rowe devant l’ensemble du groupe et du staff de Roberto De Zerbi. L’altercation dégénère.

Des noms d’oiseaux fusent, l’ambiance est électrique.

Des coups sont échangés.

Plusieurs sources olympiennes avaient d’abord minimisé en parlant d’un simple “front contre front”, mais le choc a bien dépassé le seuil verbal.

L’OM considère Rabiot comme le plus agressif, physiquement comme verbalement. Des joueurs cadres sont choqués.

Roberto De Zerbi, accompagné de Mehdi Benatia, intervient pour séparer les deux hommes devant un effectif médusé.

Le verdict tombe.

Quelques heures plus tard, les deux joueurs sont écartés du groupe pro et placés sur la liste des transferts. L’OM officialise la décision en évoquant un « comportement incompatible avec les valeurs du club ».

« Tu prolonges ou tu sors » : l’intransigeance OM, méthode et mémoire courte

Le principe marseillais. Comme le souligne Vincent Duluc : « Rabiot n’aurait pas été poussé dehors s’il avait encore deux ans de contrat. Il n’y a pas de principes, dans le foot, que des intérêts. » À Marseille, ce n’est pas un double discours : le club assume une intransigeance totale avec les joueurs à un an de la fin de contrat.

Chancel Mbemba : mis à l’écart dès juillet pour avoir refusé de prolonger, sans le moindre match officiel.

Valentin Rongier : prié de partir après l’échec des négociations.

Rabiot, en fin de contrat juin 2026, savait qu’il entrait dans la zone rouge. L’altercation avec Rowe précipite la sortie, mais s’inscrit dans une stratégie bien huilée : la stabilité institutionnelle avant tout.

Vincenzo Tommasi enfonce le clou : « J’ai adoré la saison d’Adrien Rabiot et la plus-value qualitative a été énorme, mais il a signé un contrat de 2 ans et forcément le joueur était en position de force cet été. Quand tout va bien c’est parfait, quand il y a une zone d’OMbre, ça part en vrille. »

Commanderie, alerte rouge : « Depuis la reprise, c’est le jour et la nuit. Là, c’est le bordel. »

Ce qui devait être une formalité estivale — reprise dans la continuité de sa belle saison — tourne au casse-tête pour le staff. Selon des sources relayées par La Provence, le comportement de Rabiot à la Commanderie vire au cauchemar logistique et disciplinaire.

« Depuis la reprise, c’est le jour et la nuit. Là, c’est le bordel. »

Retards répétés, investissement en baisse, séances écourtées, manque de communication…

Tout heurte l’exigence imposée par De Zerbi.

L’entraîneur, réputé pour sa rigueur, exprime sa lassitude en interne : l’équilibre fragile du vestiaire ne supporte pas de telles dissonances.

Cas d’école de déconnexion entre talent individuel et exigence collective.

Zéro passe-droit : De Zerbi & Benatia, la ligne dure

Ceux qui suivent l’OM savent que ce type de comportement ne passe plus.

Documentaire “Sans jamais rien lâcher” : Jonathan Clauss, international français et titulaire régulier, écarté quand niveau et implication sont jugés insuffisants.

Règle : « On joue à l’OM si l’on adhère à l’exigence collective et au niveau attendu. Point. »

Slogan interne : « Chi siamo ? OM ! » — pas un gimmick, un filtre.

Dans ce cadre, le cas Rabiot devient intenable : au-delà de la qualité du joueur, c’est la cohérence du projet et l’autorité du vestiaire qui sont en jeu. Mehdi Benatia ne la sacrifiera pas.

Paradoxe marseillais : image lisse, réalité rugueuse

Le contraste qui désarçonne. Début août, dans une interview à La Provence, Rabiot affiche une image apaisée, attachée au club et à la ville : envie de rester, passion du foot, volonté de bien faire.

Pablo Longoria s’était même dit surpris positivement :

« Humble, timide, réservé, travailleur… Il vit pour le foot. »

Plus encore, le lien semblait fort avec Mehdi Benatia — leur apparition côte à côte au concert de Jul, célébrée sur Instagram, en atteste.

Rien ne laissait présager une rupture si violente et soudaine.

D’où la question, en interne : comment un joueur si intégré, performant, a-t-il pu faire exploser le vestiaire en quelques jours ?

Statut + salaire = exemplarité obligatoire

Au-delà des faits, il y a la symbolique. Adrien Rabiot est le plus gros salaire de l’effectif.

À ce titre, double exigence : performance et exemplarité. Or retards, tensions, altercation : tout tranche avec ce qu’on attend d’un leader.

À Marseille, l’institution passe avant les individualités — et cela n’a rien de nouveau.

Le documentaire Sans jamais rien lâcher l’illustre : exigence à l’entraînement, sanctions immédiates pour ceux qui dévient.

Peu importe le statut, la hiérarchie ne protège personne.

Peut-être que le club aurait pu mieux communiquer publiquement, éviter flou et fuites. Mais en interne, la direction tient un cap ferme, cohérent depuis des mois.

À un an de la fin de contrat, avec un vestiaire à reconstruire et une identité à affirmer, l’intransigeance devient une nécessité.

La contre-attaque : la défense de Rabiot parle d’« histoire montée »

Romuald Palao, avocat d’Adrien Rabiot, dans l’After RMC :

« Décision très surprenante. »

« Adrien est ultra impliqué et très attaché au club. Après les faits du week-end, il pensait que les choses seraient rentrées. »

« Le club indique que le joueur a eu un comportement qui a changé ces derniers temps, c’est complètement faux. »

« On a l’impression qu’il y a une histoire un peu montée, et qu’on se sert de l’épisode de vendredi. »

« Ce sont des histoires de vestiaires qui doivent rester au vestiaire. »

« Incompréhension totale. S’ils ne veulent vraiment plus le conserver, il faudra se tourner vers d’autres horizons. »

Talent indiscutable, incompatibilité structurelle

Le talent n’est pas en cause. La constance non plus.

Mais l’adhésion au cadre ? Jamais durable.

À l’OM version De Zerbi-Benatia, le collectif prime : contrats clarifiés, comportements cadrés, exigence non négociable.

Dans ce système, Rabiot se heurte au plafond d’une institution qui ne pliera pas.

Rabiot n’est pas un “mauvais garçon”. C’est un joueur ingouvernable.

Et au très haut niveau, cela revient au même.

Un historique de frictions, une altercation avec Rowe, des critiques publiques de la tactique après Rennes, et des contacts supposés avec l’AC Milan – via sa mère, voire par le joueur lui-même – sans en avertir l’OM.

Dans ce contexte, l’institution a appliqué sa règle : cadre d’abord, individus ensuite.

Reste l’équation sportive et financière. La masse salariale est sous tension, les frais fixes pèsent (exemples type Kondogbia), et l’OM a saisi l’occasion pour éviter un engagement proche de 10 M€ lié à Rabiot.

Décision cohérente avec la doctrine « tu prolonges ou tu sors », mais prise à dix jours de la deadline, donc risquée si les remplaçants n’arrivent pas.

La suite impose de l’exécution, pas du symbole :

Boucler les recrutements.

Débloquer les sorties (prêts avec prise en charge partielle plutôt que salaires dormants).

Aligner le vestiaire par des règles claires et des sanctions graduées.

Parler d’une seule voix, sans fuites ni feuilletons.

L’OM n’est pas à vendre : l’exigence oui, l’aveuglement non

La verticalité imposée par Longoria, Benatia et De Zerbi a redonné un cadre.

Mais nul, pas même la direction, n’est au-dessus de l’institution : l’exigence doit s’accompagner d’anticipation et de mesure.

Bien menée, cette séquence peut devenir fondatrice. Mal gérée, elle coûtera des points avant même l’automne.

Car au fond, l’OM n’appartient à personne d’autre qu’à ses supporters.

Ce sont eux qui portent le club dans la victoire comme dans la tempête. L’exigence ne se mesure pas qu’aux sanctions, elle se juge aux résultats.

Dans les dix prochains jours, Marseille jouera plus qu’un mercato : sa crédibilité.

Et si la ligne dure ne sait pas aussi gagner sur le terrain, alors le discours d’autorité ne restera qu’un slogan de plus.

La verticalité Longoria–Benatia–De Zerbi a redonné un cadre, mais la direction n’est pas au-dessus de l’institution : exigence, oui ; anticipation et proportion, indispensables.

Les plus lus