OL – EXCLU Nasser Larguet lève le voile concernant son rapport sur l’Académie
-
Par
Alexandre Corboz
Choisi par Matthieu Louis-Jean et l’OL pour apporter un « regard neutre » sur le projet de refonte de la formation, Nasser Larguet (66 ans), l’ancien directeur du centre de formation de l’OM et actuel DTN de l’Arabie saoudite, est revenu pour But ! Football sur son véritable rôle pour Lyon.
But ! Football Club : Nasser, l’OL est venu vers vous il y a quelques semaines pour porter un regard neutre sur sa formation. Lors de votre audit, comment avez-vous trouvé l’état de l’Académie ?
Nasser Larguet : Je tiens à rectifier certaines choses. On a parlé d’un mois d’audit. Ce n’était pas ça. Avec Matthieu Louis-Jean, le directeur technique du club, on se connait depuis longtemps (…) Il m’a sollicité pour un échange d’idées. Je suis venu à Lyon pour une journée. Ce n’est pas en une journée qu’on va identifier tous les bons et les mauvais côtés de la formation. L’OL est historiquement une grande Académie (…) Aujourd’hui, il n’y a pas à réécrire l’histoire de la formation de l’Olympique Lyonnais. Il y a simplement un vrai projet de formation à consolider.
Quels points d’améliorations avez-vous notifié au club ?
Déjà, le club a cet objectif de migrer la formation vers le centre d’entraînement des pros. Pour moi, cet éloignement entre l’équipe première, la réserve et tout le reste de formation n’a plus lieu d’être. L’OL a besoin d’une unité de lieu. C’est l’un des points primordiaux si l’on veut retrouver une identification. Il faut continuer à travailler sur l’ADN Olympique Lyonnais. Le deuxième point que j’ai identifié concerne la nécessité de renforcer l’encadrement avec un responsable de la performance. L’Académie est suffisamment staffée en termes d’éducateurs mais il manque ce poste précis. Quand je parle de performance, ce n’est pas simplement recruter un préparateur physique. Il faut plancher sur tous les aspects : le physique bien sûr mais également l’aspect du développement mental, l’aspect technico-tactique, l’aspect de l’analyse collectif et individuel… J’ai insisté sur ce point et il y avait déjà une réflexion sur le sujet.
« Supprimer l’école de foot ? Ce serait se tirer une balle dans le pied »
Vous parlez de cette unité de lieu qui existait auparavant et qui avait été retiré en 2016 au départ de Tola Vologe. Pour vous, la séparation était une erreur ?
On ne peut pas parler de mauvais choix quand on ne connait pas l’historique. Aujourd’hui, il y a 2 kms. Ce n’est pas la mère à boire. Cela ne doit pas empêcher le directeur du centre de rencontrer l’entraîneur de l’équipe première, de la réserve, d’organiser des petits meetings dans la semaine… Mais c’est vrai qu’on peut faciliter cette connexion avec une unité de lieu. Il est aussi important pour les jeunes de pouvoir de temps en temps croiser les pros, voir l’exigence du haut niveau. Cela crée aussi un état d’esprit. C’est vraiment plus facile d’échanger quand tout le monde est sur le même site. A Tola Vologe, l’OL a déjà vécu ça et doit profiter de la cession du centre de formation aux féminines pour recréer ce cocon.
A un moment donné, il était question d’une possible disparition de l’école de foot. Cela ne sera finalement pas le cas. Vous avez appuyé pour la conserver ?
Dans la réunion que nous avons eu avec le directeur de la formation et Matthieu Louis-Jean, il était important de pousser à conserver tout le cursus. Dans une école, vous avez la primaire, le collège, le lycée puis l’Université… Dans le foot, ça doit être la même chose. Si vous voulez un ADN, il faut le créer dès le plus jeune âge. Il faut inculquer les principes et fondamentaux lyonnais dès 6 ans. Pour moi, on ne peut pas éliminer une partie de la formation. Ce serait se tirer une balle dans le pied. La formation ne commence pas à 15-16 ans …
En revanche, l’école de foot et la préformation ne seront pas sur le site de Décines …
Si vous avez le terrain nécessaire et la superficie, c’est un plus. Au Real Madrid ou au FC Barcelone, tout le monde est au même endroit. A Lyon, il y a la contrainte de l’espace. Sur site, il faudrait pouvoir accueillir à partir des U15. Si vous avez l’école de foot de 6 à 11 ans et la préformation de 12 à 14 ans ailleurs, ce n’est pas ce qui va faire une grande différence. Ce qui compte dans ce cas-là, c’est qu’il y ait des échanges entre le responsable de l’école de foot et celui de la formation.
Avec le déménagement de Meyzieu et avant que le centre de formation ne sorte de terre à Décines, il y aura une longue période où les jeunes venus de l’extérieur ne seront pas logés sur site. Est-ce un problème ?
C’est toujours mieux d’avoir les jeunes sous contrôle maintenant on peut aussi faire preuve de flexibilité sur ce point. J’ai travaillé dans des pays où on faisait de la formation à très haut niveau avec des enfants qui ne logeaient pas au sein du club. Ils étaient dans leur famille, le club mettait des moyens de locomotion à disposition… Ce qui est important, c’est surtout de maîtriser leur scolarité, d’avoir de véritables référents éducatifs et sportifs qui soient en lien.
« Je ne parle pas d’audit mais davantage d’échange d’idées »
Concernant le recrutement chez les jeunes, l’OL a adopté plusieurs politiques ces dernières saisons. Sous Gérard Bonneau, on ouvrait à l’axe Paris – Lyon – Marseille et à l’international. Durant le mandat de Jean-François Vulliez, on a voulu faire du 100% local. Aujourd’hui, on est revenu à plus d’ouverture. Quelle stratégie préconisez-vous ?
De ne se fermer aucune porte ! Le premier cercle de recrutement doit être à l’intérieur du club. On a une école de foot qui démarre à 6 ans. Ensuite, il faut aller aux alentours du club. L’avantage qu’a l’OL, c’est qu’ils ont un impact formidable dans leur région. Quand, dans les anciens clubs où j’ai travaillé, on était en concurrence pour un garçon de la région lyonnaise, c’était très difficile. Le gamin donnait toujours la priorité à l’OL. Dans sa région, l’OL est très bien placé. Sauf à l’AS Saint-Priest, où il y a un petit divorce. Mais, même ça, ce n’est pas dramatique ! Si un jeune de Saint-Priest veut signer à Lyon, personne ne l’empêchera. Et personne n’empêchera l’OL de suivre un joueur de ce club. C’est assez facile de contourner ce type de partenariats. Passé ces deux cercles de recrutement, il ne faut pas se fermer la porte aux joueurs d’autres zones géographiques ou même à l’international en respectant les règles FIFA (16 ans pour un Européen, 18 ans pour un joueur venu d’ailleurs, NDLR). L’OL aurait tort de se fermer à cette mondialisation du football. Ce serait une faute professionnelle mais je ne me fais pas de soucis là-dessus. La cellule de recrutement, pilotée par Mathieu Seckinger, me parait intéressante. Il a une très bonne vision. C’est très clair ce qu’il a dans la tête et il partage la vision du recrutement telle que je l’ai exposé.
Depuis plusieurs saisons, le niveau global de la formation lyonnaise est en déclin. Comment l’expliquez-vous ?
Ce n’est pas un souci spécifique à l’Olympique Lyonnais. Pour moi, tout tient dans la notion de stabilité. A l’époque, vous avez eu l’AJ Auxerre, le FC Nantes, Lyon… Des clubs avec une vraie culture formatrice qui s’appuyaient sur une équipe d’éducateurs qui restaient longtemps en poste et imposaient une certaine culture. Aujourd’hui, si vous changez les formateurs tous les trois ans, je pense que vous aurez des problèmes… Et puis il arrive parfois que sur des générations, vous ayez un trou. Ce n’est pas à cause du club en lui-même mais davantage de la qualité moindre des joueurs. Mais je le répète, ce qui est hyper important, c’est la stabilité des équipes. L’ADN, ce sont les formateurs qui l’inculquent.
Donc vous avez appuyé pour mettre en place des équipes encadrantes sur la durée ? Depuis plusieurs saisons maintenant, on assiste à un grand turn-over à l’Académie de l’OL…
J’évoque ce sujet car vous me posez la question. Avec le club, j’ai insisté sur l’unité de lieu et l’arrivée d’un responsable de la performance en ressource supplémentaire. C’est pour ça que je ne parle pas d’audit du club mais davantage d’échange d’idées par rapport à mon vécu de 40 ans dans le football. Je ne peux pas dire au directeur de la formation si tel ou tel entraîneur est meilleur qu’un autre. Je n’ai pas vécu avec eux. Je ne peux pas être objectif là-dessus. Ce qui est certain, c’est que le club doit continuer avec les formateurs qu’ils évaluent en capacité d’être performants. S’ils estiment qu’il y a un manque quelque part, c’est un choix du club. Moi, je n’ai pas du tout parlé de ça. Je sais qu’ils sont bien staffés en nombre mais je n’ai pas évalué individuellement les hommes.